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DEBATunisie
17 février 2008

Université machine à employabilité ?

EMPLOYABILITE

Une loi qui réforme l’Université vient d’être examinée aujourd’hui par la chambre des conseillers. 
Un journaliste de la presse nous la commente de la manière la plus complaisante, alors que le texte selon Le Temps fait polémique chez les syndicats.
Il s’agit de la loi d’orientation universitaire.
Déjà l’on peut remarquer qu’une loi assez similaire dans le contenu a été adoptée en France récemment, et que celle-ci fut l’objet de grandes controverses. Soit… ce n’est peut être que le hasard des calendriers.
Passons.

Le texte tunisien dit vouloir, je cite: « promouvoir le rendement du système de l’enseignement supérieur »
Remarquons d’entrée de jeu l’usage d’un vocable économiste dans le terrain neutre et désintéressé de l’Université.
« Ce projet vise également à instaurer un mécanisme cohérent d’évaluation du contenu de la formation ». Le terme « évaluation » qui est aussi une apparition nouvelle dans le jargon politique français de l’époque Villepin est donc repris aujourd’hui par nos technocrates pour « évaluer » les filières en fonction de leur rendement.
Il est même question de « consécration du principe de l’évaluation » pour répondre disent-ils « aux exigences du marché de l’emploi et aux besoins de l’entreprise économique tunisienne ».  Seront donc bien notées, sous-entendues épargnées, les formations qui assurent  un emploi aux diplômés à leur sortie de la fac.

Je ne vous laisse pas deviner le sort des autres filières dont le but n’a jamais été de se positionner dans le marché du travail. La philosophie, les lettres, la géographie ou l’histoire déjà maintenue sous tente à oxygène risquent de se voir couper l’air si l’on « met l’accent sur les filières et les spécialités à forte employabilité ».

 

EMPLOYABILITE

 

Ce mot à la mode qu’aiment employer nos administrateurs, est devenu un leitmotiv pour justifier le bien-fondé de n’importe quelle mesure.

J’arrête tous ceux qui m’attendent au tournant de cet article pour me dire, que OUI ! bien sûr, les jeunes souffrent du chômage et qu’il faut saluer une politique qui mise sur l’emploi.

Il n’est pourtant pas compliqué de comprendre que s’il y a chômage de diplômés dans le pays, ce n’est pas la faute à l’université !

C’est la politique de l’emploi qu’il faut réviser :

Par exemple, on n’a jamais posé le problème à l’envers : si ce sont les grands centres urbains qui concentrent le chômage, c’est peut être parce qu’il y a trop de demandeurs d’emploi, alors que ces derniers pourraient grâce à une politique volontariste regagner certaines régions sinistrées qui, elles, souffrent du problème inverse : la désaffection des jeunes diplômés.

Ainsi résoudre le problème du chômage reviendrait à encourager l’investissement public et privé dans l’arrière pays et donc redistribuer les richesses !

Entre-temps, notre gouvernement continue à surinvestir dans les métropoles par des mégaprojets promettant l’emploi comme argument.

Doutant peut être de la capacité de ces investisseurs étrangers à recourir aux diplômés tunisiens, l’Etat signe un texte qui transforme l’université en machine à produire de l’emploi.

Ainsi pour sa nième compagne électorale, le président sortant pourra montrer qu’il aura tout fait pour lutter contre cette maladie nationale qui est le chômage.

 

Mégaprojet + réformes universitaires = employabilité

 

D’abord, il est à craindre que les mégaprojets ne soient un leurre qui, par l’effet d’annonce crée un exode de diplômés et d’ouvriers vers la capitale et que la moitié s’y trouvant refusée multiplie par 3 le taux de chômage.

 

Ensuite, il est dangereux de subordonner l’université à l’emploi, car dés lors plus rien ne leur interdit de faire disparaître des filières qui ne « répondent pas aux exigences du marché de l’emploi », telles les filières littéraires par exemple, seules capables de réveiller l’esprit critique et de porter un regard autre que celui de l’économe.

On est même tenté de croire que cette réforme tend à domestiquer la jeunesse, lui faire éviter les détours de la pensée, pour la façonner au monde du travail. Une jeunesse abrutie et obéissante qui n’aura pour seule revendication que le droit de consommer.

 

L’équation MP + RU = E risque donc, non seulement de faire le contraire de son objectif, c'est-à-dire concentrer encore plus le chômage dans les grands villes, mais pire encore, faire des chômeurs idiots, qui ignorent par exemple qu’Abou Nawas n’est pas le nom d’un Hôtel mais d’un poète, ou que le Colisée c’est autre chose qu’un centre commercial. ( Vous me direz, en quoi ce que ceci les aiderait à trouver du boulot ? en rien, la connaissance comme la générosité restent des catégories que l’employabilité ignore, mais que notre humanité implore)

 

Ainsi, OUI pour une réforme de l’université, mais pitié ! ne faites pas ça pour l’employabilité, mais pour le Savoir, l’Art, la Pensée, la Critique, la Liberté, pour croire qu’il nous est possible depuis la Tunisie de refaire le Monde et l'Humanité! 

sources:

Article La Presse du 16 Février 2008:

Article Le Temps du 16 Février 2008:
"La loi de l'orientation universitaire prochainement devant la chambre des conseillers
Le syndicat pour un profond réexamen
Suite à l'adoption par la chambre des députés le 6 février 2007 du projet de la loi d'orientation universitaire. la Fédération générale de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique La FGESRS rappelle aussi que l'élaboration du dit projet n'a pas fait l'objet d'une consultation des différentes parties concernées. Mais la fédération a étudié tous les articles du projet et a avancé des propositions qui n'ont pas été prises en compte elle espère que les membres de la chambre des conseillers qui vont examiner prochainement ce projet en tiennent compte." (FGESRS) a publié le 13 février un communiqué dans lequel elle rappelle les réserves sur certaines dispositions de ce projet de la part des structures syndicales et même de quelques membres du conseil économique et social (CES).
Des réserves qui n'ont pas été prises en compte par les commissions parlementaires qui n'ont introduit que quelques amendements sur le projet. Mais des amendements qui n'ont pas touché les questions de fond de ce projet.

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Commentaires
H
bonjour<br /> je cherche un emploi ou etude
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_
Bien sûr que l'apprentissage, se fait partout, de la rue à l'atelier. vous avez raison.<br /> Mais l'enseignement universitaire c'est autre chose qu'apprendre:<br /> c'est désapprendre, chercher le sens connaître, expérimenter librement... <br /> D'ailleurs c'est grâce à cette liberté, ce désintéressement que l'on peut découvrir et par la suite être utile, productif, efficace, rentable, et tout le blala que nos technocrates adorent.<br /> <br /> Votre raisonnement à moins que je me trompe me semble en tout cas aller dans le sens d'accepter cette confusion des genres qui fera des nous de simple apprentis prolétaires, productifs, efficaces et blabla...
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S
(...) "les filières littéraires par exemple, seules capables de réveiller l’esprit critique" (...)<br /> <br /> vous y allez un peu fort la, non?<br /> <br /> et rappelez vous.on n'apprends pas uniquement a l'université. on apprend chez le menuisier, chez le boulanger, chez l'écrivain, chez le poète, chez le peintre et dans la rue aussi. <br /> <br /> apprendre à penser n'a jamais été le premier souci du prolétariat. (humour ici, je vous taquine) <br /> <br /> et si les filières non rentables disparaissaient? eh bien, on apprendra ailleurs. les maîtres (à penser aussi), eux, ne risquent pas de disparaître.<br /> <br /> mais, d'un autre coté, être apprenti c'est autre chose que l'école publique. ça nécessite de l'effort de la part de l'élève... je crois qu'il y a une piste là, sur les raisons du peu d'efficacité (croissant) de l'école publique.
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