Le pays devient de plus en plus ingouvernable. A J-1 de la fin du mandat théorique de l'assemblée constituante, deux camps s'affrontent. On dénombre déjà un premier mort à Tataouine. La tension est dans l'air. Nos petits hommes verts renforcent leurs effectifs dans les centres névralgiques de la capitale...coup d'état militaire?
-Ce dessin est indécent. Je le reconnais maintenant après l'avoir terminé. il est insultant pour la mémoire de cet homme assassiné, que j'ai placé du côté mauve. Raccourci facile certes pour un membre de Nida, mais hypothèse plausible qui n'excuse en rien, le meurtre dont il a été victime. Le dénommé Lotfi Nagdh a en effet succombé à ses blessures à la suite d'un lynchage public en bonne et due forme, perpétré par des membres d'un comité dit "de la protection de la révolution", affilié à Nada. Le ministre de l'intérieur insultera encore plus la mémoire du défunt en prétendant que ce monsieur aurait simplement été victime -accrochez-vous bien- d'une crise cardiaque!
-Ce dessin est injuste parce qu'il renvoie dos à dos Zaballah et Essebsi alors qu'il n'y a nulle symétrie entre celui qui tient son autorité de la toute puissance divine quand l'autre la tiendrait seulement de sa malice canine. L'un étant au pouvoir et l'autre attendant dans le couloir.
Mais si je publie quand même ce dessin chers amis, c'est que je me refuse à une lecture manichéenne des faits. Je ne crois pas que ces malheureux incidents traduisent une simple guerre des méchants contre les gentils. Je ne crois pas que ce monsieur fut puni pour sa simple appartenance au parti Nida. Nous avons tous observé dans les vidéos circulant sur le net, que la foule qui tabassa Lotfi Nagdh, fut d'abord ciblée par des cocktails Molotov projetés des locaux où se situait la victime. A première vue les images témoignent d'une guerre entre deux bandes rivales. Rappelons-nous de faits similaires survenus dans d'autres villes, telles que Feriana ou Ben Guerdane... (voir ici). Tataouine ne serait donc que le énième théâtre de guerre clanique. Il ne s'agit peut-être que d'un autre règlement de compte entre bandes rivales que Ben Ali avait su à l'époque domestiquer, mais qui aujourd'hui, après la révolution, se redisputent le territoire. L'appartenance politique, Nida pour les uns ou Nada pour les autres, ne serait qu'une simple étiquette extérieure...
Épuration des mauves
Le plus grave dans cette terrible histoire, c'est ce slogan appelant à l'épuration des mauves et qui a été crié par ce comité de la dite "protection de la révolution". A l'époque furent nombreuses les voix à soutenir l'idée d'une jugement équitable, non politique, contre les anciens RCDistes corrompus, voir d'exclure leurs caciques des élections. Pour n'avoir pas mis en place une justice transitionnelle Essebsi lui-même a été responsable de la crise de confiance qui mine les esprits depuis plusieurs mois. A cause de ce cafouillage, voulu ou pas, on voit du mauve partout. Tout ce qui cloche est mauve. Que l'on ne s'étonne pas aujourd'hui de voir des groupes radicaux, ou d'anciens mafieux s'emparer de cette cause et d'appeler au meurtre pour des règlements de compte internes. Nada également instrumentalise cette cause pour faire chanter les journalistes impertinents, ou pour menacer ses rivaux politiques. Tout ça, brouille les pistes et complique la lecture des faits. C'est de la chakchouka bien tunisienne!
Épuration des marabouts
Déjà que les révolutionnaires avaient brûlé les palais des saints patrons et des marabouts tripolitains, voilà que des excités du slip hallal s'attaquent maintenant aux vrais marabouts! (voir ici)
Cette nouvelle est une véritable catastrophe, et je ne suis point ironique. Cette sainte est la protectrice de la sebkha et de ses flamants roses. En profanant la tombe de Lella Manoubia c'est la Sebkha, Boukornine et toutes les collines de Tunis qui viennent d'être souillées! Amis flamants, armons-nous! Zaballah porte atteinte à nos symboles sacrés!
Mais que fout la police?
Avant la révolution, il y avait deux grands partis : les mauves et les bleus. Oui : Ennahdha était déjà le deuxième grand parti avant la révolution, et c'est bien pourquoi ils étaient très bien organisés à peine quelques semaines après le départ de Ben Ali. Sauf que le jeu politique était différent : caché et sournois. Après le 14 janvier, ce sont les mêmes adversaires, mais qui s'affrontent à ciel ouvert.
Voyez plutôt : qu'est-ce qui a changé ? Que ce soit avant où après le 14 janvier, le fonds de commerce des deux partis est le même : chacun se dit légitime parce qu'il serait le seul rempart contre l'autre (et les partis de gauche sont toujours autant largués). Et c'est justement cette opposition qui maintient le régime en place : corruption ; clientélisme ; népotisme ; chômage ; déchéance ; barques pour Lampedusa ; justice à deux balles, deux mesures ... Bref, la seule chose qui a changé, c'est que maintenant, ils se gueulent dessus à haute voix, toujours de plus en plus fort, prêts à en découdre ...
J'ai choisi mon camp : celui de les laisser s'entre-dévorer. En s'entre-dévorant, ils s'épuiseront et s'affaibliront mutuellement, affaiblissant en même temps le régime contre lequel le peuple s'est soulevé.
A bon entendeur, salut.