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DEBATunisie
17 décembre 2020

Dixième anniversaire de la Révolution tunisienne...

Chacun y va de sa plume pour ce dixième anniversaire de la Révolution. En ce qui me concerne, je ne suis ni amer, ni déçu et si c'était à refaire, je ne dirais pas non. Evidemment, si l'on parle du volet socio-économique, on ne peut que constater l'échec total de la dite révolution. Alors me diriez-vous, quoi donc retenir de ce machin ?

Je dis juste que le simple fait que le concept ait été injecté dans ce territoire nommé Tunisie, est en soi une révolution. Je sais, il s'agit là d'une pensée tautologique. Tant qu'il n'est pas mort -le concept-, comme c'est le cas chez nos voisins arabes, alors nous pouvons continuer à espérer...

ANNIV_REVOLUTION

Et sinon je vous invite à lire ma dernière interview sur Jeune Afrique ici

Ajouté le 18 Décembre :

Depuis hier je me disais qu'il fallait faire comme tout le monde et tenter d'exprimer une pensée digne de 10 ans de révolution. Mais les mots ne me venaient pas alors que des idées contradictoires, voire choquantes, n'ont cessé de se bousculer dans ma tête. A ce stade je ne sais toujours pas ce que je vais écrire. Je compte sur l'écriture automatique pour accoucher ces pensées que je vous livre ici à l'état brute et de façon éparse :

1- Je me rends compte par exemple, que l'idée de révolution m'intéresse davantage que la Tunisie en tant que pays, culture, entité politique. C'est étrange pour moi de constater cette évidence. Ce territoire nommé Tunisie ne serait donc que le laboratoire de la chose révolutionnaire qui m'a été donnée d'observer par le hasard de ma naissance.

2- La révolution ne serait pas un moyen pour atteindre un objectif de bien commun, de développement ou de démocratie. La révolution EST l'objectif. Elle n'est pas un instant T de l'histoire, elle est la durée indéterminée. Elle est un chemin sans destination. Et comme tout chemin, elle traverse un relief avec ses montées et ses descentes, ses sommets et ses ravins.

3- En Tunisie, on a observé son jaillissement il y a dix ans. Alors qu'elle nous a mis dans le ravin, on peut constater qu'elle continue à nous guider contrairement à nos voisins arabes. Aucun général, aucun militaire aucun flic n'a -encore- sonné la fin du bal. Elle est là parce que Moussi et Makhlouf cohabitent sous la même coupole et parce qu'un extraterrestre loge à Carthage.

4- Oui nous sommes coincés dans un ravin. Nous nous engluons dans des sables mouvants. Chacun pourra choisir l'image qui le convient. Mais cette chose appelée révolution résiste, dans ce marécage puant qu'est la Tunisie de 2020. Son cœur bat toujours. D'ailleurs, si nous remontons aux origines, c'est bien d'un marécage qu'émergea le miracle de la vie. La soupe primordiale (sebkha) fut le réceptacle de cette extraordinaire révolution. De l'élan révolutionnaire de la vie, surgit l'humanité, une révolution en soi dans la révolution. Mais nous pouvons encore remonter plus loin dans le temps. Imaginez ce qu'a pu être le passage du néant au cosmos. Du rien au tout. Le big bang, la génèse, l'éjaculation d'Allah... Qu'est ce que cette chose sinon une gigantesque Révolution ? Sachez-le, toutes ces révolutions sont ENCORE en marche.

5- Mais de quelle révolution s'agit-il vraiment ici dans ce territoire dit tunisien ? Je ne crois pas vraiment qu'il s'agit d'une histoire de dignité, de liberté ou de Justice. Quel manque de perspective. Certes, si l'on se laisse VRAIMENT porter par la Révolution, on aura tout cela à la fois et plus encore. On pourrait même faire mieux que les japonais, et on aura satisfait et le peuple et les bourgeois. Mais il ne s'agit pas que de cela.

6- La Révolution dont il est question, n'est pas seulement une histoire de progrès, de changement ou de croissance. C'est un chemin semé d'embûches qui pourrait même nous faire revenir à l'âge de pierre, mettre en esclavage son peuple. Il peut sacrifier une génération pour le bien-être de celles qui la suivent. Ses conséquences se mesurent à l'échelle du temps LONG, et n'a que faire du temps politique, des échéances électorales ou du taux de chômage. Les semeurs de révolution en sont rarement les profiteurs et peuvent même récolter la disgrâce à l'opprobre de leurs congénères.

7- La révolution tunisienne est universelle mais n'apportera ses fruits à l'humanité que dans la réussite de son évolution dans le contexte arabo-musulman duquel elle est issue, et sur lequel elle doit agir en premier lieu. Ainsi doit-elle paradoxalement questionner son rapport avec cette identité arabo-musulmane voire s'en désarrimer. S'en défaire pourrait être la condition pour le re-révolutionner. Le "printemps arabe" amorcé justement par la Tunisie n'a pas été suffisant puisqu'il s'est éteint dans les pays "révolutionnés" et qu'il a en outre renforcé des opérations contre-révolutionnaires lancées par les puissances du golfe.

8- J'en arrive ici au point qui me tient particulièrement à cœur, et qui selon ma lecture de la situation tunisienne et arabe, demeure un angle mort pour nombre d'activistes : la question de Dieu. Trop affairés sur les questions politiques et sociales, les militants ont négligé ce point central laissant aux islamistes le monopole de Dieu. Entretemps, les islamistes avancent leur pions et mènent progressivement une contre-révolution religieuse.

9- La gauche révolutionnaire (à définir), a décidé par pragmatisme politique, de combattre l'islamisme sans jamais remettre en question l'islam, pour ne pas froisser le peuple. La gauche révolutionnaire croit au peuple et méprise l'individu. Et pourtant le peuple n'existe pas. Ou alors chaque individu est l'amorce d'un peuple. Cette gauche, constituée de militants, artistes, activistes, sont des révolutionnaires du dimanche, et croient que la question de Dieu relève de la sphère privée. Alors que l'Islam occupe totalement l'espace public, et que les islamistes avancent leur pions partout, la gauche fait la sieste. Et pourtant, la lutte sur la question de Dieu doit être menée dans l'espace public et assumée comme la mère de toutes les luttes révolutionnaires.

10- Le blasphème, l'apostasie, l'irrévérence par rapport au sacré sont nécessaires quand la religion domine l'école, la constitution et le parlement.

11 -Toute révolution porte en elle la question du cosmos, Dieu (ou pas Dieu) , la vie sur terre et l'humanité. Nous ne pouvons prétendre à aucune révolution si nous n'intégrons pas les questions de l'au-delà dans l'ici bas. Notre condition humaine nous l'exige.

12- Mohamed avait compris cela il y a 14 siècles. Ce fut un révolutionnaire. Aujourd'hui il aurait été le premier à faire tomber son propre culte et à exiger la déconstruction de l'islam et d'Allah pour donner un nouveau souffle à sa révolution.

13- Tout ce qui nous est le plus cher et qui freine la révolution doit être désarrimé. Nous devons accepter certaines amputations : la Nation, Allah, l'arabité ou même la Palestine. La trahison, l'honneur, ou la mémoire des ancêtres sont des concepts étrangers à l'élan révolutionnaire.

14- La révolution n'est loyale qu'à l'esprit de la révolution. La trahison ne peut être qu'à l'encontre de la révolution.

15- Ceux pour qui l'évaluation politique, économique et sociale à l'instant T d'un pays, suffit pour juger de l'échec ou de la réussite d'une révolution, ne sont certainement pas arrivés à ce paragraphe. A ceux là, n'est pas audible la pensée paradigmatique. A ceux là, la révolution n'est qu'un dangereux désordre, ils lui préfèreront selon leur sensibilité politique, l'alliance avec les fascistes ou la compromission avec les islamistes. Car pas question pour eux de toucher aux fondations ! (Nous les emmerdons royalement)

16- Arrivé à ce dernier point, je ne sais toujours pas à quoi fait allusion la dite Révolution. Et pourtant son concept aussi abstrait soit-il, me semble aussi évident que la pleine lune éclairant l’esprit du premier être humain, et aussi énigmatique que le monolithe de Kubrick donnant le” La” à des singes primitifs...
Voir ceci : https://www.facebook.com/149229615135091/videos/352848658895842

Commentaires
B
Bjr, Bonnes fêtes...
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M
A la pointe même de la chrétienté avec Saint Augustin !
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M
Bonjour -Z-<br /> <br /> êtes vous à Paris en janvier? Seriez vous disponible pour une interview sur une radio associative alternative?<br /> <br /> Merci.
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F
Le concept existe depuis longtemps. Par exemple il a existé en 1864, lors de la révolte de Ali Ben Ghedhehem contre les beys qui ne cessaient d'augmenter les impôts. Refusant de se rendre contre un poste de premier ministre, il mourut empoisonné dans le fort de la Goulette. La Tunisie est un pays de révoltes depuis la nuit des temps. Les arabo-musulmans ont dû faire une guerre de 70ans pour s'implanter dans le pays, qui, jusqu'à une période non lointaine était majoritairement juif et chrétien.
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