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DEBATunisie
3 juin 2012

De l'hypocritocratie dans l'affaire Jalel Brick

Zdebat

Pour ce qui est de mon passeport et de ma carte d'identité, pas de soucis, je suis en règle. Quant à mon certificat de foi, il est renouvelable chaque jour selon mes humeurs, mes états d'âmes, mes lectures et mes rencontres. Jeune j'étais certifié 100% Halal, et l'âge a voulu que ma foi devienne aussi fluctuante que la bourse de New York. Peut-être que dans mon lit de mort, ferai-je signer une bonne fois pour toute ce certificat de foi qui me donnera droit à un Visa pour le paradis. Ou alors au contraire, dans une ultime beuverie, défierai-je comme Jalel Brick, Dieu et son prophète, vouant aux gémonies toutes cette puante hypocrisie du dogme religieux qui paralyse nos débats, notre art, et notre liberté d'expression!

Jalel Brick

C'est ce que vient de faire Jalel Brick dans une vidéo rendue publique et qui a déchaîné contre lui la colère de ses milliers de fans. Sa popularité n'a jamais tenu pourtant au contenu de ses propos. Ce personnage théâtral né sur Facebook dans la vague de la révolution, disait d'ailleurs tout et son contraire. Il soutenait Ben Jaafar la veille pour appeler au soutien d'un Essebsi le lendemain. Il trouvait des excuses à Ben Ali, fricote avec Nessma TV et ne cache pas son respect pour l'ex-larbin du mauve Mezri Haddad. Il aime les dictateurs de Assad à Kaddafi et honnit tous les barbus de la terre. 
Ce qui faisait son "fonds de commerce" c'était la forme extérieure de son discours: un discours fluide, rythmé, musical, plaisant à l'oreille, même si vulgaire et violent. C'était un excellent orateur dont le public ne se souciait guère de la pertinence tant que cela faisait marer la galerie. Jusqu'au jour, où dans le même style acide, ce même Jalel Brick s'attaque au sacré, Allah et son prophète, niant l'existence de l'un et accusant l'autre de charlatanisme. C'est ce jour où l'on avait peut-être le plus écouté ce que ce monsieur racontait. Malheur pour lui, et ses excuses n'y feront rien, le mal est consommé! Jalel Brik est excommunié sur la place publique. Les extrémistes lancent des appels au meurtre, les conservateurs applaudissent, et les dits "progressistes" approuvent en admettant qu'il avait franchit la ligne rouge. Bravo!

Soyons sérieux 

Si l'adhésion au dogme religieux (certitude absolue en l'existence de Dieu et de la source divine du coran) est sinequanone à l'islamité, condition sinequanone à la tunisianité (être tunisien = être musulman) alors je crains que l'on ne me retire moi aussi mes papiers et que soit lancée à mon encontre une campagne haineuse...Certes je n'ai pas crié dans une vidéo mon hérésie, Je n'ai pas employé de vocabulaire ordurier contre le sacré, mais alors comment pourrai-je jouir de mon droit de liberté de conscience (liberté de ne pas croire par exemple, stipulée dans l'article 5 de la constitution), si ce n'est pas en l'exprimant publiquement, par le discours, par les idées, ou par l'art?
Comment peut-on d'un côté obliger les agnostiques à confiner leur hérésie dans l'espace privé, alors que la majorité exprime depuis des siècles sa liberté de croire dans l'espace public par ses mosquées, ses appels à la prière, ses ramadans ses Aïds et ses lois contre l'alcool, contre le libertinage, contre l'homosexualité et l'héritage toujours injuste envers les femmes. Peut-être parce que c'est simplement une majorité. Il s'agit peut-être d'une simple application de la règle de l'épicier qui dit que le nombre fait la loi. La dictature de la majorité encore une fois. Que craint-elle sérieusement cette majorité d'une minorité qui exprimerait autre chose? Pense-t-on sérieusement qu'une vidéo d'un Jalel Brik ferait crouler 14 siècles d'Islam? Cette menace est-elle si prégnante pour que le ministre des affaires religieuses se sente obligé de sortir à son tour une vidéo condamnant Jalel Brick?(voir ici)

Hypocritocratie

Nous y revoilà! ce néologisme de mon cru, que j'employais sous Ben Ali, se manifeste autrement mais dans le fond il s'agit à nouveau de la même ligne mauve. Une ligne imaginaire derrière laquelle se tiennent en rangs serrés les conservateurs, mais aussi nos élites progressistes qui condamnent l'offense de J.Brick comme étant une atteinte à ce qu'il y a de plus sacré pour TOUS les tunisiens. Tel cet article complaisant (voir ici).

Voilà comment on accepte de faire des concessions aux esprits conservateurs au nom d'un soi-disant risque de polarisation de la société. Je n'ai vu nulle polarisation, nulle division sur cette question. Je n'ai vu que des condamnations unanimes contre le "psychopathe" Jalel Brick que les extrémistes voudraient zigouiller et les dits progressistes souhaiteraient voir interné. Quant au public averti, il n'avait que faire d'un Jalel Brick et de ses élucubrations toutes aussi égales les une que les autres.

Conclusion

La vraie polarisation est ailleurs mes amis. Elle n'a jamais été entre les soi-disant laïques et conservateurs. Elle se situe simplement entre ceux qui ont tout et ceux qui n'ont rien. La sphère politique restitue nullement ce clivage. La polarisation politique se situe entre les néo-mauves (Essebsi & and Co) et les islamistes de la Nahdha. Les uns comme les autres ne discuteront jamais la question cruciale de la redistribution des richesses pour ne jamais se mettre à dos la bourgeoisie. De la même manière ils ne discuteront jamais la question du dogme religieux pour ne jamais se mettre à dos la classe populaire. Un Jalel Brick dérange les uns comme les autres, ils viennent de se mettre d'accord pour le larguer...
-Entre temps, nous ne ferons pas avancer les urgences sociales, et nous maintenons ce statu quo mou sur les questions de la liberté: liberté de conscience et donc liberté tout court.
-En focalisant l'attention sur ces faux débats, nous oublions aussi que notre ami Ramzi Bettaieb persiste dans sa grève de la faim suite à la confiscation de sa caméra au tribunal militaire du Kef. Son action met le doigt sur un sujet crucial, celui des collusions dangereuses entre la police, les militaires et l'ancien système Ben Aliste dont vient d'hériter Ennahdha. Système que personne n'ose questionner sérieusement au nom du même statu quo.
-Je ne parle même pas du scandale du bassin minier, du dossier des blessés de la révolution et tous ces sujets qui fâchent et qui font d'un Jalel Brick, du salafiste-ci du salafiste-là, les meilleurs sujets de diversion, des sucettes qu'on offre aux enfants, pour qu'ils regardent ailleurs...

En disant cela je nie nullement l'existence du salafisme, comme je ne nie pas la portée symbolique de ce qui est devenue l'affaire Jalel Brick. Je déplore seulement que l'élite progressiste ait réussi par ces sujets, à placer le clivage là où il n'avait pas lieu d'être... main dans la main avec les conservateurs de tout poil...
Sur ces pensées torturées, je vous souhaite un agréable dimanche!

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Commentaires
K
ils faut rappeler qu'il y a ennormement de J-B en Tunisie, des gens de tout ages, ralleurs, exaltés,anarchistes recevant des claques et traités de malélevés, cela devrait avoir une explication sociologique rationnelle telle que mauvaise éducation ou leg colonialiste Franco-Italien, mediterranneen à sang chaud, quelle importance.<br /> <br /> Mais la veritable revellation c'est qu'au delà de la portée de ces discours spectaculaires peut etres, innofensifs certainnement, puisqu'on les entendait souvent à TUNIS,c'est cette machine "légitime" qui interrompt instantanément toute les activités nationales chaque fois qu'il y a un évenement ou meme s'il y en a pas comme EL EBDELLIA, pour scindé encore plus un peuple ou ce qu'il en reste comme le dit bien J-B.<br /> <br /> Une maladie nouvelle est née LE CLIVAGE AU NOM DE LA RELIGION.<br /> <br /> -la raison de cette maladie : agenda électoral d'ENNEHDHA.<br /> <br /> -periode d'incubation :tant qu'il y aura des "MEDEBIA" sur la scene national.<br /> <br /> -le remede : vive la république et vive la TNISIE.
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B
''La législation musulmane organise la vie de la cité , or elle est incompatible avec le droit universel et encore moins avec les droits de l'homme...''<br /> <br /> Il fallait lire:<br /> <br /> ''La législation musulmane organise la vie de la cité , or elle est incompatible avec le droit universel et encore PLUS avec les droits de l'homme...''<br /> <br /> <br /> <br /> ''à un moment ou l'autre''<br /> <br /> aurait meilleure gueule si je disais:<br /> <br /> à un moment ou UN autre
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B
Mon ami, ton analyse est parfaite. Tu as su enrober la pilule pour mieux nous la faire avaler, ou alors, comme dit Athéna, tu as tourné autour du pot, pour mieux détourner notre regard... Tu n'as pas parlé une seule fois de l'islam. Et tu as mis la responsabilité de nos échecs sur des fantômes, sur des politiques et ceux qui font une lecture erronée de la religion. Tu formules des projets d'avenir en occultant une réalité qui est pourtant la base de notre structure sociale et politique, la source de notre histoire. Hédi, a commencé à apporter des arguments contradictoires et il a été bref et très clair. Je continuerai bien dans la même veine mais tu as été prolifique et je ne saurais te suivre sans me perdre ... Je noterais cependant qu'il y a un entre nous une différence d'appréciation importante à propos de la responsabilité des religieux qui ne sont, en fait, que l'expression logique du texte fondateur qui les anime. Il ne faudrait pas confondre l'effet et la cause. <br /> <br /> L'islam a un code juridique, un code révélé, immuable et son application est obligatoire dans tout état musulman (on connaît le slogan ''nul droit, hormis celui de Dieu'') . Même si certains (Bourguiba et autres muftis...) l'ont plus ou moins bricolé pour gagner du temps ou lui faire consentir quelques arrangements provisoires, l'histoire regorge de retournements de situations qui remettent, à un moment ou l'autre, le code religieux à l'ordre du jour (il y a eu la Turquie d'Atatürk construite sur les ruines de l'empire ottoman et la Turquie d'Erdogan fait la danse du ventre à tout va ). Aucun pays n'a échappé au retour du religieux, l'actualité est une reproduction à l'identique du passé (voir, entre autre, la constitution tunisienne, libyenne et égyptienne en préparation !!!), aucun modèle extérieur au monde musulman n'est adéquat, même celui qui est particulièrement réussi. <br /> <br /> La législation musulmane organise la vie de la cité , or elle est incompatible avec le droit universel et encore moins avec les droits de l'homme (il y a bien sûr une Déclaration islamique universelle des droits de l’homme, à lire et à méditer), incompatible avec la laïcité, incompatible avec la notion d’État moderne (l'espoir d'un califat est toujours d'actualité) et incompatible avec l’État de droits (c'est très facile à démontrer à partir de la chariâa, le débat est devenu inutile). Le dialogue entre l'islam et les préceptes terrestres, est impossible. Ces derniers sont en effet, évolutifs et transitoires, alors que les préceptes célestes et le code religieux sont définitivement verrouillés (hier, aujourd'hui et demain !) et ne souffrent aucune évolution (encore une fois le petit bidouillage des 3oulama ne change rien) . Le droit divin reste celui qui doit organiser la vie sur terre et de fait, l'organisation sociale, juridique et politique se trouve enfermée dans une seule voie, celle qui mène vers le divin, rien d'autre. L'activité de la cité musulmane ne tient pas compte de l'individu, de la liberté et du bien être ici-bas. Laïcs, philosophes, révoltés, libertaires, démocrates, artistes, poètes, intellectuels... tous des impies, tous à bannir de la cité ! <br /> <br /> Alors, mon Ami, comment aller plus loin quand on sait que dorénavant la théologie et la politique sont indissociables et qu'on est en train de ramer à contre-courant? Je cite Camus : ''l'homme libre est situé en dehors du sacré''. Tant qu'on n'est pas libre, je n'ai que faire du confort matériel, du PIB, de la dette, de l'équilibre de toutes les balances....
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H
de pertinenceCher Libre enfin<br /> <br /> Le point clé que je ne voulais pas évoquer, tant il est lourd de conséquences, pensant remettre ça à plus tard —j'ai tort, car il faut toujours battre le fer tant qu'il est chaud—, touche l'État central dans sa forme moderne. Il est directement issu des Lumières et de la révolution française. Votre réflexion ne tourne pas en vain autour de cette question qui est à vrai dire la question centrale des deux siècles passés et c'est elle qui est aujourd'hui la ligne de fracture qui court à travers toutes les cultures et qui divise le monde en deux : le conservatisme (la Tradition), le prométhéisme (la Modernité). Le MAroc, comme d'autres pays de veille tradition, sont restés à l'écart de cet État moderne. C'est la raison pour laquelle il est, jusqu'à ce jour,le pays le moins avancé au Maghreb en matière de santé, d'éducation et de brassage social. La Tunisie de Bourguiba, a bénéficié de cet État-là (en vérité nous tous, notre génération) de la démocratisation de l'enseignement et de la politique de santé (et de planning familial). Tout cela a permis a rendu un formidable brassage social, et inter-régions, qui fait la particularité de la Tunisie moderne et que je considère, toutes ces raisons, comme authentiquement socialiste, dans le sens où personne n'est handicapé par sa classe, sa caste ou son clan, ni par le carcan d'un système figé comme au Maroc ou même certaines démocraties où l'on peut ouvrir sa gueule tant qu'on voudra sans parvenir à changer sa condition. Je m'arrête là. Pour vous persuader de l'importance de l'opposition universelle entre les idéaux portés par la révolution française et ceux de l'ancien régime, je vous conseille vivement de vous plonger dans le livre passionnant de Georges Corm : L'Europe et l'Orient.<br /> <br /> Amicalement<br /> <br /> P.S. : votre remarque sur Ben Jaafar est d'une grande pertinence. Quant à l'analyse sur la Tunisie, j'avoue que je suis comme paralysé par l'expectative.
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A
http://blogs.rue89.com/tunisie-libre/2012/06/09/le-preambule-de-la-constitution-un-compromis-limage-de-la-tunisie-227712-0
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