Où sont les écolos ?
Où sont les écolos ?
Cette question fait rire beaucoup de nos compatriotes.
Pour eux les vacances de nos amis les oiseaux à Zembra ou au
lac sud, semblent bien dérisoires face au problème du chômage ou face à l’idée
du progrès.
A part quelques rabat-joie, les tunisiens informés ont
applaudi tous ces mégaprojets qui se profilent à l’horizon.
Dans cet essai je voudrai analyser les raisons de ce consentement
tacite et m’interroger sur cette nouvelle politique territoriale.
Il y a -semble-t-il- deux postures qui légitiment ses choix :
- Une posture pragmatique
à court terme qui vise à résorber le problème du chômage et impulser
l’économie.
- Une posture idéologique
à long terme, qui voit dans le
gigantisme des projets une occasion d’inscrire le pays dans la course mondiale du
progrès.
Ainsi, tout est permis, y compris brader nos richesses naturelles.
Reprenons pas à pas :
La première : Résoudre le problème du chômage et développer l’économie est une priorité sans
conteste. Depuis l’indépendance,
L’Etat, selon les médias officiels continue à agir dans ce sens. Peut être, et c’est tant mieux.
Cependant, ces mêmes médias, depuis quelque
temps, à trop insister sur le « levier économique » et l’emploi que favorisent tous ces mégaprojets, banalisent l’idée selon laquelle l’Etat n’a d’autre choix que de déléguer aux
entreprises étrangères sa politique de développement.
Ainsi, cette propagande n’a de cesse de rappeler que
Tous nos quotidiens saluent le Projet de Zembra (
groupe chinois ) ou encore, plus ancien, la méga-station touristique de Hergla ( groupe émirati Emaar ) comme étant des
leviers pour le développement et la lutte contre le chômage.
Ils nous révèlent par ailleurs que ces projets
–qui, certes, feront travailler nos concitoyens- se destinent à une clientèle
dépensière, aisée, venant d’Europe, de chine ou du Golf ( une autre idée qui
tend aussi à se banaliser)
Pour résumer, Il devient naturel aujourd’hui de penser que notre politique
économique consiste à créer sur notre littoral des territoires enclavés destinés à une élite étrangère et cela par
l’entremise de holdings ou multinationales étrangères. Ainsi résoudra-t-on,
selon nos élus, le problème du chômage et développerons-nous notre pays.
Personne ne s’est posé la question de savoir si Jandouba ou
Siliana pourraient un jour profiter d’un tel afflux de capitaux. Ou encore
pourquoi s’attaquer à des territoires sur-investis (Tunis ) ou protégées (Zembra) pour diminuer le chômage, alors
que le bon sens nous invite à investir dans ces zones sinistrées de l’ouest
tunisien entre autres. (j’entends déjà la voix de ceux qui croient dans l’effet
d’entraînement )
Je vois cette politique plus comme une démission que comme
une solution pragmatique d’un problème complexe (pas vous ?).
Ou alors, exhortons l’Etat de faire preuve de transparence,
et de mettre sur la place publique,
les conventions qu’il a signées avec ses partenaires privés, pour nous éclairer
sur les conditions imposés aux investisseurs et pour que cessent les
divagations et les doutes des rabat-joie de mon espèce.
La deuxième posture qui est d’ordre idéologique soulève une
question de fond : Quelle image veut on donner à notre pays et selon
quelle vision du progrès ?
Modernité, écologie, développement durable, voilà la termes récurrents qu'emploient les autorités pour nous convaincre.
Les images qu’ils nous assènent nous montrent des tours en
verre, des jardins, des bassins, ou encore des hôtels de luxe, des villas, des
golfs, des ports de plaisance…
Est-ce dans ces clichés de villes
américaines qui, aujourd’hui, sont devenues des contre modèles de développement (le
tout automobile, climatisation, émission de CO2…) qu’ils pensent nous vendre la
modernité ?
Est-ce dans la domestication d’un lac par des bulldozers ou dans
l’installation d’un complexe touristique dans une île protégée qu’ils croient
faire de l’écotourisme ?
Il semble que les images du progrès véhiculées par nos
décideurs sont celle de l’époque où l’homme se targuait encore de dominer la
nature. Cette idéologie de la renaissance théorisée par Descartes ou Bacon a
pris fin depuis peu lorsque l’on a pris conscience de la fragilité de la
planète et que l’on a commencé à prendre au sérieux les menaces du
réchauffement climatique.
Il y avait pourtant un
enjeu écologique de taille qui a échappé à nos décideurs et qui aurait pu faire
de notre politique de développement un modèle de développement durable
respectueux de l’environnement, intégrant l’ensemble des acteurs locaux,
protégeant les ressources des générations futures… mais beaucoup diront, que ce
dont je parle s’applique seulement aux pays riches sous-entendant que les autres
seraient condamnés à répéter les erreurs de leurs aînés.
Où sont ils donc ces écolos pour dissiper ces a priori et réformer la vision du progrès ? Existent-ils, sont ils absents, ou priés de se taire ?
Notre Agence Nationale de Protection de l’Environnement (ANPE ) qui fait figure de modèle sur ces questions continue à présenter l’île de Zembra sur la page d’accueil de son site web. On se demande si ce n’est pas pour nous signifier son impuissance qu’elle garde encore cette image.
Et l’Association des amis des oiseaux ? que dit-elle ?
On est amené à penser que ces mégaprojets ne relèvent d’aucune
vision prospective tendant à résorber des problèmes économiques et inscrire le
pays dans la modernité.
Il s’agirait plutôt d’assister les avatars d’un libéralisme
planétaire assoiffé qui profite de l’indulgence (voire de l’allégeance) de
certains gouvernements pour imposer ses bastions
ici et là.
Ces holdings laisseraient à leurs hôtes la seule liberté de
se servir d’un panel de clichés pour légitimer leurs opérations : entre
écotourisme, lutte contre le chômage, développement durable… le choix ne manque
pas.