Limites de la Cyberdissidence
Constitutive d’une communauté, non consciente d'elle même, ou alors stigmatisée par le pouvoir,
elle est porteuse d’espoir pour toute une génération en quête d’émancipation et
de restauration de son droit à la participation au débat public.
On ne peut donc pas y intégrer les
défenseurs de thèses racistes. Ces derniers
ne revendiquent pas de droits spoliés mais fantasment et diabolisent des groupes
mystifiés tels que juifs ou musulmans.
On peut tout aussi facilement
exclure les conspirationnistes qui se cachent derrière leurs prétendues
révélations et qui ne vivent que par la manipulation et le filtrage de
l’information.
Je ne citerai pas d'exemple de sites pour éviter des conflits inutiles ou des désaccords avec mes "collègues". J'ai aussi l'objectif par cet essai de théoriser sur la question et de ne pas me perdre dans des classements inutiles dans une conjoncture aussi fluctuante.
Communauté?
Les cyberdissidents, même s’ils visent
le même port, ne prennent pas le même chemin.
Ils se croisent , se ratent ou se heurtent le
plus souvent. Certains ont commencé la course depuis longtemps et se font
dépassés par des nouveaux arrivants tout frais.
Aucune règle loyale n’a été
établie pour mutualiser les efforts des uns et des autres. Au contraire il
semblerait même que certains mettent des bâtons sur les roues des autres et
lancent des campagnes injurieuses contre leurs coéquipiers.
Cette désunion, de manière
générale ne tient pas tant à des facteurs idéologiques qu’à des conflits
contingents entre personnes.
Ainsi, si l’on voudrait créer une
véritable communauté cyberdissidente qui se présentera comme un contre-pouvoir
efficace, il ne suffira pas de partager des convergences d’idées, mais d’abord de
s’engager les uns les autres sur une charte qui veille sur le respect mutuel, sur
l’énonciation de la ligne éditoriale de chacun et enfin sur la légitimité de
certains sur d’autres pour guider les internautes et hiérarchiser
l’information.
Son influence, sa pertinence, son
ancienneté, ou sa représentabilité ?
Loi de la jungle
L'état de nature prévaut dans la jungle Internet. La liberté naturelle et la loi du plus fort qui en découle s'imposent pour le meilleur ou pour le pire. En laissant les choses se faire par elles-même, en d’autres termes céder à la
sélection darwinienne, émergeront certes les plus solides. Or le résultat de cette sélection
ne justifie aucune légitimité politique. Le monopole de certains sites n'est pas toujours inhérent à leur sagesse ou leur pertinence, mais souvent à leur réseau ou leur influence.
Il ne s'agit pas de boycotter un quelconque site, mais seulement d'avertir contre l’illusion que suscite
la popularité et l’ombre que le succès peut
porter sur le travail acharné de militants et de journalistes engagés.
Cependant, Combien même, l’on arrive à créer
une communauté organisée et juste sur le net, en
serait-elle pour autant représentative de la diversité du peuple tunisien ? pourra-t-elle
vraiment être relayés, diffusés par-dessous le manteau ?
Représentativité :
La représentativité, parlons-en.
La parole cyberdissidente demeure confinée dans une réalité tunisienne
limitée répondant à des frustrations
émanant d’une catégorie sociale particulière:
Des raisons aussi objectives que
la possibilité d’une connexion régulière
ou le pouvoir de s’exprimer politiquement (N’oublions pas
que l’esprit critique, même médiocre, reste encore un luxe) font qu’il n’y pas
de doute quant à l’appartenance de ce « club » à la bourgeoisie
locale ou émigrée.
Car s’il est vrai qu’une partie
du problème tunisien est politique, comme ne cessent de nous le rappeler les cyberdissidents en dénonçant la dictature, ce n’est peut être pas sous cet aspect
qu’il se manifestera chez les populations « exploitées » des petits travailleurs.
Ces derniers, à mon avis, ne voient pas encore, dans le peu de discours
dissidents qui leur parviennent, une once d’une quelconque reconnaissance de leur
condition.
Censure
Certains sites censurés ont du
faire avec et voir dans ce malheur un signe de reconnaissance et de notoriété.
De plus en plus coupés de leurs
bases, les auteurs de ces sites se retrouvent entre eux dans une arène où il
n’y plus de spectateurs.
Ils se perdront dans des cris
inaudibles contre le régime sinon contre leurs propres voisins de scène.
Anonymat
La cyberdissidence en tant que
produit de la confiscation et de l’interdiction du débat, n’est crédible que si
elle restitue par le biais de l’Internet ce dialogue que réclame la société
civile.
Peut-on espérer de ce club de dissidents marginalisés par la censure, désorganisé et
anonymes de surcroît, un semblant de dialogue et d’échange ?
Mon exploration attentive depuis quelques
jours de cette « sphère », m’a révélé que malgré les bonnes volontés
de certains, c’est l’anonymat qui sape tout espoir d’une véritable interaction
constructive. Cette pratique courante de dissimulation n’est pas seulement une
occultation de sa carte d’identité, mais un silence sur l’âge, l’origine
sociale, régionale, la filiation professionnelle,
confessionnelle...( crainte de la traque oblige)
Dès lors, les préalables à un dialogue
saint se trouvent de fait confisqués.
Il n’est donc pas faux de penser,
que cette cyberdissidence anonyme ne restaure aucun dialogue, elle ne se
nourrit d’aucun échange et qu’elle n’est, au final, qu’une vocifération collective sourde et inutile de quelques frustrés en mal de
reconnaissance.