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DEBATunisie
18 mars 2009

Qardhawi, la Femme et les carottes du régime

kairouan

La dernière visite de l'Imam Qardhawi aurait pu passer inaperçue si elle n'avait revêtu un caractère officiel. En effet, Le tapis mauve que lui a déroulé le ministre de la culture et les Unes que lui ont consacré les médias ont suscité un vif débat dans la blogosphère. Les Laïcs y on vu une menace contre les acquis progressistes amenés par Bourguiba tandis que les conservateurs se sont réjouis du retour à la normale de la Tunisie qui se réveille enfin de sa laïque léthargie made in occident. Un dialogue de sourd entre les uns et les autres a noyé toute possibilité d'entente sur la sempiternelle question de la laïcité et de l'Islam.
Sans vouloir me mettre au dessus de ce débat, sur lequel j'ai ma propre opinion, je voudrai rappeler encore une fois que Islam ou laïcité ne sont que les carottes qu'agite le régime au gré des circonstances et du public visé. Rappelez-vous que lors de la journée de la femme du 8 Mars dernier, notre gentil gouvernement, comme chaque année, récupère à son compte le code du statut personnel de Bourguiba et se félicite des progrès acquis en faveur des femmes. Quand on sait qu'une semaine plus tard, ce même régime n'a vu aucune contradiction à accueillir officiellement un des imams les plus rétrogrades en la matière on comprend combien ce que nos dirigeants jouent des symboles et les instrumentalisent à des fins populistes.

femmes

Stratégie des carottes et égarements idéologiques des citoyens

Le régime en mélangeant les genres entretient des clivages et empêche la société de débattre clairement de ses divergences. Sa stratégie consiste à acheter la paix sociale en usant de toutes les voix discordantes que peut produire le corps social. Il les récupèrera à son compte et les mettra en scène dans un simulacre de démocratie. Le vide politique que génère cette comédie fait de l'internet un exutoire des pulsions politiques. La blogosphère en particulier devient la tribune des différentes sensibilités et restitue d'une manière informelle le débat confisqué. Malheureusement cette voie d'expression a tendance à polariser les opinions et à renforcer les clivages. On y entend plus des laïcs dont l'islamophobie dépasse celle de l'extrême droite européenne ou alors des conservateurs dénonçant un complot hourdi par des présupposés agents occultes œuvrant pour le compte d'occidentaux sionistes. Ces confrontations même anecdotiques montrent combien ce que l'absence d'un vrai débat démocratique (ou d'un conseil de Choura pour reprendre une terminologie traditionnelle) égare les citoyens et les éloigne des vraies questions qui concernent le pays. Parmi ces nombreuses questions une me parait prioritaire: la revendication urgente du droit au débat public, droit nécessaire sans lequel aucun débat constructif n'est possible. Voilà un point qui devrait malgré nos oppositions idéologiques constituer un socle commun pour amorcer un véritable progrès dans le pays. Au lieu de cela beaucoup de nos blogueurs se retranchent dans des clivages qui même s'ils existent, font diversion et permettent à Ammar, notre censeur national, de se réjouir de leurs querelles inutiles.

Totalitarisme post-moderne

En attendant l'avènement espéré d'une véritable démocratie, notre gentil régime continuera à jeter autant de carottes qu'il n'y aura de sensibilités politiques. Fûssent-elles libérales, socialistes, écologistes, progressistes ou conservatrices rien ne semble perturber son soucis de cohérence à part l'unique et seule ligne politique cohérente qu'il a toujours défendu: celle de son autopréservation...
Ainsi mes amis, vous qui redoutiez l'islamisation du régime ou vous qui avez peur de son occidentalisation, n'ayez crainte, il ne sera ni l'un ni l'autre, il sera l'un et l'autre. Il s'agit d'un totalitarisme post-moderne qui combine toutes les denrées possibles que lui offrira le marché idéologique. Sa couleur mauve, remarquez, exprime bien cette bâtardise...

 

Commentaires
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Merci pour ton riche commentaire. Je partage tes doutes. Je reprends juste quelques points de ton message.<br /> Au fait dans mon article Je propose une sorte de moratoire ( comme dirait Ramadan ) sur les questions qui divisent. Un "pacte d'unisson" comme tu dis, concernant au moins la question du cadre démocratique. Aussi bien les laïques que les conservateurs doivent au moins sur cette question s'unir pour contrer le politique de l'actuel gouvernement qui sabote le débat.<br /> Je suis d'accord avec toi que la démocratie locale est essentielle, mais je ne la vois pas comme le préalable nécessaire à la démocratie globale. Pour moi ça ne peut commencer que d'en haut. On ne peut pas obtenir le local si l'on a pas réglé la question du global. Le cadre municipal, je ne sais pas si t'as eu l'occasion de suivre un conseil municipal, est un reflet du cadre national. Les mêmes discours langue de bois, les même censures empêchent les citadins de régler des questions aussi élémentaires que la propreté, les taxes, les transports et que sais-je.<br /> Effectivement, nous devenons nous même médiocres dans le débat, car depuis l'indépendance les deux présidents qui se sont suivis n'ont pas misé sur l'exercice de la démocratie ( les mécanismes de concertations, le tissu associatif...). Selon moi le premier responsable de notre médiocrité reste donc le régime! Il ne faut surtout pas penser que nous autres tunisiens sommes intrinsèquement (pour ne pas dire génétiquement) réfractaires au Débat. Une telle pensée serait dangereuse car elle réconforte la présupposée nature ingouvernable du tunisien et de l'oriental en général. Cette pensée est d'ailleurs reprises par les défenseurs du régime qui nous expliquent que notre immaturité justifie le despotisme.<br /> Je m'oppose fermement à cette fatalité, et je mise sur la capacité des laïques et des conservateurs à pouvoir se mettre d'accord plutôt que d'entretenir cette méfiance mutuelle qui profite malheureusement à l'actuel gouvernement. Je propose aussi qu'on arrête d'agiter l'épouvantail algérien et de composer avec les conservateurs car qu'on le veuille ou non, ils sont nombreux et font partie de la Tunisie.
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T
@Z:<br /> <br /> la question c'est aussi que veut dire s'unir ? avec qui avec quoi? c'est cela aujourd'hui le débat qui nous bloque. Car tout le monde est pour le débat quand il va dans la direction qui l'arrange et c'est un reproche qu'on peut faire autant aux pro-islamiste ou islamistes tout court qu'aux laiques (sauf que les conséquences seraient moins graves dans le cas de ces derniers)<br /> <br /> C'est cela aussi qui crée l'opposition entre les deux camps et le blocage: la peur (pas si fantaisiste que cela ) que l'autre récupérera le débat pour lui et qu'on revienne donc à la case de départ ou pire qu'on s'oriente vers un cas à l'algérienne (qui a effectivement eu une courte période de débat public avant que ça ne tourne au cauchemard)<br /> Or tant que le tunisien moyen lui même n'est prêt au débat que lorsque l'issue du débat l'arrange , tant qu'il n'est pas prêt à perdre , tant qu'il n'est pas prêt à faire confiance à son prochain et à partager honnêtement avec lui, tant qu'il n'est pas prêt à voir l'Etat comme une entité séparée des convictions et croyances , comme l'épée de la justice et non pas l'épée de dieu ou de la laicité. Enfin tout ça quoi , il ne sert à rien de commencer une bataille alors qu'on n'est pas convaincu des règles du jeu. (et j'insiste sur le convaincu car les signatures sur les pactes ne valent rien) <br /> <br /> Mais tu me diras en attendant le pays perd, eh oui le pays perd car nous nous complaisons dans l'inaction, nous nous croyons victimes et ça nous donne une excuse contribuer par le silence, le laisser faire au chaos général. Nous avons abandonné l'idée d'être acteur de notre avenir et lorsque nous décidons de l'être nous le faisons non pas en confrontant la réalité en nous battant pour avoir mieux, mais en fuyant.<br /> D'ailleurs je me compte dans le tas, empêtrée dans 36 mille problèmes et soucis d'avenir je n'ai pas une assise assez solide pour penser à me battre ne serait-ce que pour qu'on nettoie les rues autour de chez moi (le débat commence par ce genre de choses qui semble simple mais qui est fait la différence entre nous et les nouveaux pays européens de l'est par exemple et comme première étape) , le problème c'est qu'on est tous dans le même cas, nous ne sommes pas assez miséreux pour appeler au ras le bol général comme à Redeyef et nous ne sommes pas assez bien pour régler étape par étape des dysfonctionnements et un chaos qui nous pourrissent la vie mais ne la menacent pas. Le débat public sera la conséquence de l'amélioration de la qualité de vie et non pas la cause, car dans le pétrin où nous sommes nous n'avons pas la tête à débattre ni même à respecter les règles du jeu d'un débat sain,comment en serait-il autrement alors qu'on en vient à présent à ne même plus respecter les codes de la route où des vies sont en jeu?<br /> <br /> Quelle est donc la solution? je pense que la solution commence justement par ses petites choses : il n'est pas nécessaire que les blogueurs forumeurs , etc : laiques et islamistes fassent un pacte d'unisson. Il faudrait déjà commencer par des choses simples travailler ensemble spontanément et sans aucun pacte à obliger la municipalité à nettoyer les rues à revoir le plan urbain d'un quartier à améliorer certains services publics, etc. Le seul engagement à prendre étant qu'aucun des deux en parlant de ses actions ne doit associer l'action à ses convictions et idées religieuses (ou non) mais uniquement à des faits et à des résultats.
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_
Je t'avoue effectivement que j'ai un faible pour les poitrines généreuses.
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T
formées
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Merci Mehdi pour tes encouragements. <br /> Oui Profilo, je préfère effectivement donner au gouvernement la responsabilité de l'errement idéologique de nos concitoyens qui, faute de repères, se renvoient mutuellement la balle au lieu de s'unir contre ce gouvernement qui les égaré...
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