Kamourisation versus Abir-Moussisation
Inutile d'assombrir encore plus le tableau. Après 10 ans de révolution, la Tunisie est au bout du rouleau.
En plus du Corona, nous observons deux nouvelles formes d'épidémie, aussi contagieuse l'une que l'autre :
La kamourisation
Partie du Kamour, zone pétrolière du sud tunisien, une protestation tout à fait légitime commencée en 2016 (voir ici) s'est transformée au cours du temps, en un imposant groupe de pression qui a réussi à faire fléchir le gouvernement en bloquant toute la production d'or noir de la région. Nés dans un territoire marginalisé depuis l'indépendance, les jeunes du Kamour ne faisaient que réclamer leur dû, exactement comme leurs voisins du bassin minier. Notre nouveau premier ministre Mechichi, récupérant la patate chaude, a décidé de céder à toutes leurs revendications (voir ici). Les kamouriens ont crié victoire. Leur lutte s'est avérée payante, donnant des idées à d'autres. Sauf que notre mollassant chef de Gouvernement, n'a jamais précisé comment financer ses promesses et se retrouve déjà débordé par une kamourisation généralisée.
Après les jeunes du Kamour, c'est autour du "chlékeux" député de Jandouba Fayçal Tebini, de menacer de fermer la vanne du barrage de Béni Mtir et faire chanter le gouvernement (voir ici). Dans la foulée, d'autres mouvements se manifestent ici et là (voir ici). En plus du caractère régional, émergent des revendications à caractère corporatiste, tels que ces juges qui réclament la construction d'un hôpital pour les magistrats et leurs familles (voir ici). Mechichi ne voulant décevoir personne, dit si si !
Cette kamourisation du bled horrifie nos Ben Simpsons au plus haut point. Ils ne dorment plus la nuit. Ils craignent l'ouverture de la fameuse boîte de Pandore. Ils y voient la main des turcs, des libyens et leur relai local, Ghannouchi. Certes, il ne faut jamais négliger la part d'ingérence étrangère. Il est vrai aussi, que Ghannouchi semble se réjouir de cette mosaïque de revendications qui menace l'unité du pays (voir ici). Mais évitez, quand même, de rappeler aux Ben Simpsons que ces mouvements sont d'abord le fruit d'un demi siècle de politique de marginalisation, organisée et planifiée par Bourguiba et Ben Ali. Ils vous accuseront d'islamo-gauchisme (expression à la mode) et se montreront très méchants. Car les Ben Simpsons chers amis, n'ont jamais appris à regarder dans le rétroviseur.
L'Abir-Moussisation
Abir Moussi incarne pour ces Ben Simpsons un nouvel espoir. Cette Marine Le Pen à la sauce tunisienne, promet le retour à l'ordre et à la discipline. Elle fait de sa lutte contre les islamistes son cheval de bataille. Elle les accuse de tous les malheurs du pays et promet de nettoyer le bled de cette racaille. Sortie des rangs du RCD et se réclamant de Bourguiba, cette dame nie évidemment toute responsabilité de l'ancien régime dans le désordre actuel. Elle voue aux gémonies la révolution, qui ne serait selon elle, qu'un diabolique complot étranger destiné à islamiser la région avec la complicité passive des gauchistes et autres droits de l'hommistes patentés.
Depuis que Moussi a accédé au parlement avec ses 17 sièges, elle multiplie les happenings en bloquant les plénières ou en organisant des sit-in, trouvant à chaque fois un prétexte pour dénoncer l'hégémonie des islamistes. Ses agitations se montrent très efficaces pour rallier à sa cause un public de plus en plus fanatisé, impatient de voir par la Moussi, réhabilité l'ordre et l'autorité.
Mais le plus intéressant dans cette contagion, c'est de voir aux côtés de cette dame et de manière assumée, certaines figures de l'"élite" intellectuelle et du monde du spectacle, telle que Maya Ksouri, ou Lamine Nahdi...Mon petit doigt me dit, que suivront comme sous Ben Ali, tout le reste de la clique (rappelez-vous de l'appel des 65) guidée par l'opportunisme, par la bêtise, ou par une combinaison des deux...
Conclusion
Entre la kamourisation d'un côté et l'Abir-moussisation de l'autre, on ne sait plus si dame Tunisie fonce droit dans le mur, ou si elle court vers le précipice...