Et si l'on avait sifflé l'hymne tunisien ?
La marseillaise a été sifflée lors du match France Tunisie le 15 Octobre dernier. Les journalistes relayés par les blogeurs y ont trouvé l'occasion de polémiquer sur le pour ou le contre du sifflement. Certains le défendant au nom de la liberté d'expression d'autres le condamnant en tant qu'outrage aux symboles de l'Etat. Les sociologues y ont vu une manifestation inconsciente du mal-être des beurs, ou encore l'occasion de régler le contentieux colonial si tant est que les auteurs du sifflement soient des français d'origine maghrébine.
Au delà de cette interprétation sociologique, ou de la lecture manichéenne des journalistes la véritable question pour nous citoyens est de savoir si le foot peut être le véhicule d'une conscience politique effective?
Par le sifflement de l'hymne national français, une catégorie de jeune a rappelé encore une fois que la France souffre d'un problème social lié à l'immigration. Nul ne se fait d'illusion quant à l'incidence de ce message sur la classe politique française ni quant à sa teneur citoyenne. Cette action constitue tout au plus une aubaine pour la droite sarkozyste qui y puise de nouveaux arguments pour stigmatiser sa population d'origine étrangère et conforter son conservatisme nationaliste.
Au risque de choquer certains de mes compatriotes jaloux de leur identité, s'il y avait ce soir un potentiel d'une véritable action politique ça aurait été en sifflant non pas la marseillaise, mais l'hymne tunisien. Cet hymne devenu l'otage de notre régime aurait mérité une petite leçon spectaculaire au stade de France. J'aimerai rappeler qu'entre l'Etat français ou l'Etat tunisien il n'y a
pas photo, c'est ce dernier qui étouffe sa jeunesse depuis tellement longtemps.
Et pourtant c'est là que notre jeunesse vivant en Europe, ou ayant entrepris le voyage pour suivre la partie, est restée muette...tellement muette que notre presse nationale s'est félicité de sa discipline et de son patriotisme. AS-Sabeh, sans siffler mot des sifflements va jusqu'à relever que: "le coup
d'envoi a été précédé de l'hymne national tunisien, repris en chœur
par le public" sous-entendu que nos moutons tunisiens disciplinés non seulement ne sifflent pas mais en plus bêlent en choeur le Houmet el Hima. Bref nos tunisiens par leur silence autant que les beurs par leur sifflements ne font que redorer le blason de leurs régimes conservateurs.
C'est pourquoi j'en suis à penser que
ceux qui emplissent les stades ressemblent plus à
des moutons lobotomisés qu'à des citoyens dont on peut espérer le salut.
Cependant, si le foot en France demeure simplement une machine de divertissement qui peut accessoirement refouler des odeurs de protestation, en Tunisie, par l'inexistence d'une société civile, le foot devient une énorme machine de diversion et un enjeu politique de taille dans lequel l'Etat investit l'argent public pour cantonner les pulsions populaires dans le strict périmètre du stade.
Cette même foule manipulée, même dans les affaires proprement footbalistiques n'est pas capable de revendiquer ses droits. L'énergie dépensée à chanter en choeur son hymne national ou ses chants d'équipes l'aveugle et l'empêche de protester contre la corruption qui infeste ce milieu, ou encore de défendre le stade Chedly Zouiten convoité par un promoteur et qui risque de passer à la trappe (voir http://www.facebook.com/home.php#/group.php?gid=41340232568).
Faire disparaitre cet équipement sportif pose encore le problème du bradage du bien commun au profit de l'intérêt particulier...
C'est dire que finalement les seuls capables de siffler en Tunisie sont les oiseaux...