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DEBATunisie
4 septembre 2012

Solidarité avec les artistes tunisiens!

Chers amis, vous n'avez certainement pas oublié l'épisode de l'expo de la Abdelia. Mais comment oublier ce qui entrera un jour dans les annales de l'Histoire de l'Art, à savoir la première expo de l'Humanité à avoir déclenché une quasi guerre-civile. Nous n'avons pas encore assez de recul pour mesurer la portée symbolique et historique de cet épisode, mais reconnaissons au moins à notre pays le rôle de précurseur et d'avant-garde dans l'art contemporain. Les oeuvres présentées ont provoqué de violents heurts (voir ici) et ont fait le tour de la planète. Elles ont même franchi les portes des mosquées pour être étudiées par les plus imminents cheikhs et immams du bled. Tous reconnaissent la valeur hautement blasphématoire des oeuvres en question. Leurs commentaires sont dignes des plus grands critiques d'art. Le "string" (oeuvre qui n'a pourtant pas été exposée) a retenu l'attention de certains érudits du vendredi, comme notre ex-imam de la Zitouna qui y a vu une réplique orientale du ready-made de Duchamps, et qui a ordonné la mort de l'auteur de l'oeuvre sur le champs!

Et pourtant, malgré le grand tapage médiatique qu'a suscité l'expo, les artistes concernés sont aujourd'hui terrés chez eux, terrorisés par les menaces de mort des zaballahistes décidés à zigouiller quiconque violant le sacré. Et l'Etat plutôt que de défendre la culture et protéger les artistes a carrément pris le parti des agresseurs accusant les auteurs des oeuvres de trouble à l'ordre public*. Une déclaration de guerre flagrante contre la liberté d'expression lancée par le régime et ce, encore!, au nom de ce putain de sacré.

Campagne de soutien aux artistes

Nadia Jelassi, une des artistes de la Abdelia vient d'être convoquée par le juge (voir ici). Après un interrogatoire kafkaïen, elle dut poser pour des photos anthropométriques comme une vulgaire criminelle. Accusée de trouble à l'ordre public par le procureur de la république, l'artiste a reçu le soutien d'amis et collègues qui ont organisé une campagne de solidarité sur internet. Le thème du portrait anthropométrique domina le facebook en guise de solidarité mais surtout de contestation contre cette nouvelle forme d'inquisition religieuse. L'intérêt porté sur cette affaire fut malheureusement limité malgré la participation de personnalités influentes du monde de l'art et de la création... 

DIEU

 

Il faut dire que tout ce qui touche au sacré, fait peur. Il n'est politiquement pas rentable de soutenir "les blasphémateurs". Il est même suicidaire pour nos opposants et nos éminents intellectuels de prendre la défense d'artistes ayant violé le sacré. Pire que ça. Les artistes eux-mêmes, sont obligés de démontrer mathématiquement, que leurs travaux ne portent pas atteinte au symboles religieux. Il y a donc de fait, unanimité, entre zaballahistes, opposants, intellectuels et artistes, pour ne jamais outrepasser cette ligne rouge du sacré. Les esprits ne sont pas encore prêts à mettre la suprématie de la liberté au dessus du sacré. L'heure est encore à la négociation de parcelles, au compromis mou...
Ce n'est malheureusement que derrière mon masque, que je peux revendiquer mon droit de blasphémer, de porter atteinte au sacré et de rire des symboles religieux. Il ne s'agit pas de provocation gratuite. Juste une simple application de la théorie de la liberté totale. Non pas celle de Zaballah, de Goebbels, de Staline ou de Ben Abdallah, pour qui l'opinion exprimée doit d'abord aller dans le même sens que la sienne. La liberté à laquelle on doit absolument aspirer, est celle qui tolère les opinions les plus odieuses et les plus dérangeantes...Dans le cas contraire, nous ne pouvons prétendre être sincèrement favorables à la liberté d'expression. C'est soit tout l'un, soit tout l'autre... A nous de choisir (inspirée d'une phrase de Chomsky) 

* Les propos du ministre de la culture sont édifiants. Je vous laisse savourer: « L’exposition comportait beaucoup d’œuvres de mauvais goût, et artistiquement médiocres qui violent le sacré et portent atteinte à certains symboles de l’islam. Certaines appartiennent à des autodidactes qui n’ont rien à voir avec l’art plastique et véhiculent des messages politiques et idéologiques. L’art n’a pas à véhiculer une idéologie, il n’a pas à être révolutionnaire, il doit être beau. »

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