Quand la Tunisie ne reconnaît plus ses enfants
Très dur réveil pour la Tunisie hier matin. Une attaque de djihadistes contre une caserne à Ben Guerdane a coûté la vie à une cinquantaine de personnes: une dizaine parmi les militaires et les civils. Le reste comptant parmi les "éléments terroristes" (expression lue dans plusieurs médias en ligne*). Ce drame est inédit par son ampleur. Il nous appelle à redéfinir notre terminologie à savoir si l'on doit encore parler de terrorisme ou tout simplement de guerre déclarée entre deux forces armées. Cependant, il n'a échappé à personne, que les dits terroristes sont des... tunisiens. Jeunes pour la plupart, ils ont intégré les rangs de Daech. Ceci complique encore l'analyse et rend difficile la qualification d'acte de guerre un phénomène qui s'apparente dans la forme à une insurrection armée, voire à une guerre civile. Même si l'action des djihadistes obéit à des intérêts étrangers, on ne peut pas ignorer leur appartenance au pays et ne pas se dire encore une fois ! Comment merde! a-t-on pu en arriver là ?
Défilent depuis hier matin les pleureurs et les pleureuses de la Tunisie trois fois millénaires attaquées par les barbares. Le plus difficile à supporter dans ce bal d'hypocrites, c'est l'aveuglement volontaire de la plupart de nos élites quant à la tunisianité et à l'islamité de ces jeunes. Certains vont jusqu'à leur refuser l'appartenance à l'humanité se délectant des images de leurs cadavres. À les en croire, ces terroristes seraient des extraterrestres vénérant le culte de Satan.
Les plus lucides accuseront La révolution et Zaballah d'avoir injecté à ces "bouaziziens" le poison du terrorisme. Le chef de fil des nostalgiques de Zaba, Mezri Haddad, reconnaît volontiers que Daech n'est pas seulement chez nous, mais bien en nous ! En revanche, rappelle-t-il, son inoculation dans le corps tunisien date de 2011 avec la révolution et l'arrivée des islamistes **. Manière de dire que le mal demeure étranger et exogène ( et que donc lui, Haddad, et ses copains mauves n'y sont pour rien).
Ce Haddad que je cite souvent, n'est intéressant que dans la mesure où il incarne la caricature parfaite de notre élite progressiste: bornée, stupide et incapable de reconnaître l'échec total du modèle sociétal qu'elle a mis en place depuis Bourguiba et du rapport malsain qu'elle nous fait entretenir avec la religion.
Ces gens là nous ont mené vers l'impasse d'aujourd'hui dans laquelle les idéalistes de mon espèce ne peuvent passer que pour des naïfs ou pire encore : des idiots utiles de Daech. Car oui ! nous sommes bien en guerre et nous continuons à contester l'ordre établi, l'État, sa Police et ses mafias. On nous tire dessus et oui ! nous continuons à nous insurger contre l'absence de théâtres, de bibliothèques et de cinémas...
* L'expression "élément" pour désigner le terroriste, assimile l'individu à un électron libre détaché de la molécule. Procédé rhétorique refusant à l'individu son appartenance à un corps social et enlevant au phénomène terroriste son découlement d'une logique politique.
** M.Haddad écrit sur sa page FB le 7 Mars 2016: "Avec la nouvelle attaque sur Ben Guerdane, je lis dans nos médias que Daech est chez nous. Non, Daech n'est pas chez nous mais en nous...depuis janvier 2011"