Quand l'art se met au service de la propagande
Cela pose toujours problème quand un artiste réputé pour ses opinions fascistes, soit programmé dans un festival national financé par l'argent public. Quand bien même son spectacle ne traite pas de ce sur quoi il est accusé de fascisme, il est très légitime que certains s'en indignent et qu'ils appellent au boycott.
Voilà pourquoi un groupe s'est solidement constitué pour appeler au Boycott de...Wagner. C'était en Israël en 2012. Wagner, compositeur allemand épris de nationalisme germanique et travaillé par l'antisémitime de son époque, aurait par ses écrits et par sa musique, inspiré le nazisme de Hitler. Des victimes de la Shoah avaient envoyé, à l’université et au premier ministre, une lettre parlant de « torture émotionnelle ». "Grâce" à leur mobilisation, le spectacle a été déprogrammé. Plus tôt, en 2001, l’orchestre guidé par Daniel Barenboim* avait joué un fragment de Tristan et Iseut, de Wagner toujours, à la fin d’un concert. Il s’était fait traiter de « fasciste » par le public outré.
En Tunisie, une polémique semblable a lieu en ce moment même. Ce n'est pas Wagner qu'on appelle à boycotter mais... Boujenah. En effet cet humouriste franco-tunisien, réputé pour son sionisme et son inconditionnel soutien à la politique israélienne, est programmé pour l'édition 2017 du Festival international de Carthage. Des voix se sont élevés contre cet affront. Une lettre rédigée par BDS** a été envoyée au ministre de la culture et au directeur du festival. Elle appelle à déprogrammer le spectacle et s'indigne de la banalisation du sionisme en offrant de la visibilité à ce genre d'individu ( voir ici )
Après la Révolution tunisienne, une autre catégorie d'artiste a failli être visée par le boycott. Il s'agit des artiste mauves : ceux-là qui avaient soutenu la dictature de Ben Ali et qui, passé la tempête de 2011, sont revenus petit à petit sur scène ni vu ni connu, hier chantant les louanges de Ben Ali, aujourd'hui zélés défenseurs de la Révolution. Notre chanteur national Lotfi Bouchneq incarne ce type d'artiste très "engagé". Il s'était fendu d'une tribune en 2010 dans le quotidien mauve "le Temps", expliquant l'importance de la politique de Zaba dans la culture et de conclure qu'il fallait abroger la constitution pour que ce dernier puisse se représenter en 2014.
(ce dessin a été publié en Septembre 2010, ici)
On ne peut que saluer les associations telles que BDS qui militent pour dénoncer le sionisme et informer le public de ses dangers. Si leur appel au boycott économique de produits israéliens est une action légitime dans un contexte de guerre contre Israël, je ne sais pas dans quelle mesure l'on peut appliquer cette même méthode dans le monde des idées et de l'art (comme le fait BDS dans notre cas présent). Certes l'efficacité d'une telle stratégie a montré ses preuves dans la lutte anti-aparthaid en Afrique du Sud. Mais je reste vigilant quant à l'éventuelle chasse aux sorcières que cela pourrait causer si devait se généraliser un tel procédé:
Imaginez un instant les conséquences d'un boycott de tous les artistes mauves. Que nous resterait-il en Tunisie ? Imaginez que l'on fasse l'inventaire des sionistes dans le cinéma ou dans la littérature. Irait-on jusqu'à censurer la formule E=MC² de nos manuels de physique parce qu'Einstein s'est déclaré sioniste ?
Ce qui pose problème avec cette méthode, c'est l'unité de mesure et le degré à partir duquel on définit la règle du jeu pour dénoncer, puis boycotter et enfin en dernier lieu : CENSURER tel ou tel artiste ou penseur. Pourquoi Michel Boujenah et pas Lotfi Bouchneq ?(ce dernier est programmé presque tous les ans à Carthage et continue aujourd'hui à bénéficier de tous les honneurs de la république). Pourquoi ne pas boycotter tout simplement le Festival et appeler à faire démissioner le ministre de la culture ? (ce n'est pas une question ironique)
Un artiste connu pour ses opinions douteuses, qu'il soit fasciste, nazi, sioniste ou novembriste devra s'exposer à la critique et à la désaffection du public. Mais il m'est impossible, moi artiste, de boycotter ou d'appeler à la déprogrammation d'un autre artiste.
Ce n'est pas par corporatisme, mais par la nécessaire violence que l'on doit se faire pour assurer notre liberté d'expression à tous. Je veux que Carthage puisse ouvrir sa scène aux méchants comme aux gentils, même aux fachos tant que nous reconnaissons d'ABORD leur qualité d'artiste et que nous gardons la liberté de les dénoncer et de les huer. J'accepte de la même manière de m'exposer aux critiques et même à l'insulte. Par contre j'appelle à la révolution armée si je vois Borhane Bsaies, notre ex-Goebbels national, nommé au poste de directeur du festival de Carthage ou pire encore : ministre de l'éducation nationale (voir ici) !
Business Boukorniste
Mes amis, l'art c'est de la propagande. Ont tort ceux qui pensent vaincre la propagande en faisant taire ses artistes. Cela produit l'effet cafard (une sourate sur le sujet est en préparation) : Ils pondront des oeufs, se multiplieront et affineront encore plus leur art ! En tant qu'artiste boukorniste et propagandiste du sebkhisme (voir ici), je conchie le sionisme et toute forme de fascisme mais je crains qu'à notre tour, nous fassions l'objet d'un boycott et de nous retrouver solidaires non de Boujenah, mais de Wagner. Oui ! Nous faisons l'objet d'une hostile campagne qui nous accuse d'offenser les sentiments des musulmans et de toucher à leur sacré. Amis boukornistes, Notre religion progresse chaque jour n'en déplaise à nos Kofards. Grâce à l'OPEN SOURCE et nos nouveaux e-prophètes, nous avons arrêté la sourate de l'Apéro qui marquera l'ouverture (Feti7a) de chacune de nos cérémonies. Après Le Nammous et Le Delle3, Mettez Tannhäuser, buvez un coup et récitez-donc ceci:
-Sourate de l'Apéro (appelée aussi Sourate du Berbère)
*Daniel Barenboïm chef d'orchestre israélo-argentin détenteur de nationalité palestinienne, fut lui-même, avec son West-Oriental Divan Orchestra, victime du boycott de BDS au Qatar (pays intégralement boycotté), pour avoir joué Wagner en Israël...Allez comprendre...
**BDS est une campagne internationale appelant à exercer diverses pressions économiques, académiques, culturelles et politiques sur Israël afin d'aboutir à la réalisation de trois objectifs : la fin de l'occupation et de la colonisation des terres arabes, l'égalité complète pour les citoyens arabo-palestiniens d’Israël, et le respect du droit au retour des réfugiés palestiniens (voir ici)