TGV maghrébin ?
Le web-journal Algérien EL Annabi (ici) nous évoque la réunion qui s'est tenue à Tunis le 17 Novembre entre les ministres de transport des pays du Maghreb avec leurs homologues européens. Il était question du projet d'un Train à Grande Vitesse reliant Casa à Tripoli en passant par Alger et Tunis. L'Europe soutiendrait cet ambitieux projet. D'après le journal, notre ministre tunisien des transports déplore l'insuffisance des fonds et regrette que l'Europe se montre plus généreuse envers les pays candidats à l'adhésion à l'UE qu'avec le Maghreb.
Blocage économique ou politique?
Je ne sais pour vous, mais pour moi il y a une autre raison bien plus profonde qui empêcherait une telle réalisation. Notre ministre voudrait réduire le blocage à des raisons économiques alors que le véritable obstacle serait ailleurs... Sans vouloir revenir sur l'histoire du Maghreb rappelons simplement que depuis que l'Europe s'est retirée de cette région, des régimes autoritaires se sont imposés grâce à leurs luttes pour l'indépendance. Cela a produit ces entités politiques que l'on appelle aujourd'hui Tunisie, Algérie, Maroc, Lybie, ou Mauritanie. Jaloux de leurs acquis les chefs de ces contrées se sont repliés sur leurs lopins de terre. Leurs régimes respectifs useront du nationalisme et du drapeau pour doper leur peuple et étouffer la voix de la société civile. Chacun gardera bien ses distances de l'autre et le moindre désaccord ponctuel se transformera en conflit durable. Leurs pseudos unions (comme l'UMA) c'était juste pour la photo mais sur le terrain, chacun pour soi.
On ne voit pas alors comment ce que ces poids lourds pourraient s'unir pour un projet solidaire où l'argent du pétrole ou les compétences des uns seraient mis à profit pour TOUS sans que se soit récupéré par tel ou tel régime. Concernant l'hypothétique projet de TGV, la Presse tunisienne nous donne une illustration parfaite de ce type de récupération. Le quotidien, plutôt que de nous parler du projet préfère évoquer "la considération exprimée par les ministres au président tunisien pour son souci d'établir un partenariat global et solidaire entre les pays de la région en vue d'en faire un espace de paix, de stabilité, de solidarité et de progrès..."(ici)
On comprend bien qu'avec ce type d'attitude égocentrique, parait difficile d'entreprendre le moindre travail d'équipe. Qui de nos vieux caciques du Maghreb accepterait de faire taire son égo et de se concerter avec son voisin sur un projet qui passe par son territoire? Ces concessions couteraient trop cher à leur autorité démesurée. C'est ce refus de céder qui bloquera toujours ce type d'initiative. Ne nous étonnons pas après de voir leurs ministres pleurer le manque de moyens économiques, plus facile à admettre que leur manque de volonté politique.
La société civile dans tout ça
On peut parler d'une société civile maghrébine en latence. Elle possède les atouts culturels nécessaires à son émergence mais plusieurs obstacles entravent cette prise de conscience collective:
Les derniers découpages coloniaux et les régimes qui ont suivit l'ont figé en identités distinctes qui semblent aujourd'hui plus étanches entre elles qu'à des époques antérieures. A ceci se conjugue une modernisation des transports qui paradoxalement ne favorise pas pour autant les échanges humains. Les interactions qui se faisaient peut être plus spontanément à l'époque des caravanes sont aujourd'hui encadrées par des systèmes de contrôle qui conditionnent les circulations des biens, du savoir et des personnes. Ajoutons à cela le manque de volonté politique et le repli des régimes pour en arriver à la situation d'un Maghreb décomposé en sociétés civiles qui s'ignorent et qui ne se sont jamais regardés.
Les quelques initiatives entreprises se limitent au monde des affaires ou au tourisme (dont jouit la Tunisie). Ces échanges n'ont pas attendu le politique pour voir le jour. Ils constituent par leur fréquence un progrès en soi mais qui manque d'une assise institutionnelle. Perdurent ainsi malgré la bonnes volontés de quelques citoyens certains clichés causés par des décennies de séparation. Nous autres tunisiens nous entretiendrons ainsi la peur de l'expérience algérienne avec ses intégristes pour accepter que notre régime torture les nôtres. Les algériens de leur côté continuent à croire au miracle tunisien et applaudissent la "Benalisation" de Bouteflika. A ces idées reçues qui témoignent d'une méconnaissance mutuelle (et je ne cite que les relations tuniso-algériennes) s'ajoutent un tas d'autres stéréotypes qui frôlent la xénophobie.
J'ai relevé par exemple dans un blog tunisien l'avis d'un citoyen qui se plaint de l'invasion barbare des vacanciers Algériens en Tunisie: "On comprend bien que chez eux c’est la dèche, pas d’infrastructure, pas
de plages et surtout pas Celtia pas cher et de Abdallah accessible. Même si je dénonce souvent leur impolitesse et leur comportement, il faut avouer qu’ils vont marcher le commerce local.". J'ai laissé un commentaire critique voulant modérer ses propos mais voilà qu'un internaute me répond enfonçant encore plus le clou: "ouais, ils font marché le commerce local, mais bon, question civisme … ils ont encore des progrés à faire !!".(ici)
Ces opinions aussi anecdotiques soient-elles relèvent du fantasme et de la stigmatisation de l'Autre. Elles illustrent la distance qui sépare des sociétés voisines. Elles montrent aussi que l'égocentrisme des régimes nationalistes locaux a fini par contaminer la société civile qui s'abrite derrières des préjugés pour se protéger du frère voisin.
Conclusion
J'ai envie de finir sur une note optimiste: Je voudrai croire que le projet du transmaghrébin pourrait être l'occasion d'un véritable changement politique dans la région à l'exemple de la communauté du charbon et de l'acier qui à la suite de la seconde guerre mondiale permit de recréer une dynamique économique entre les anciens pays ennemis et aboutir à l'actuelle Union Européenne.
Vivement ce TGV pour restaurer les routes caravanières du Maghreb et que se diffuse l'intelligence, le savoir la joie des uns et des autres. C'est pourquoi moi aussi je soutiens la candidature du président Ben Ali pour 2009 car il est le seul qui croit au:
"partenariat global et solidaire entre les pays
de la région en vue d'en faire un espace de paix, de stabilité, de
solidarité et de progrès..."