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DEBATunisie
7 janvier 2023

Bonne année 2023 !

Je vous souhaite une bonne année 2023. Je prédis que cette nouvelle année sera décisive pour Boukornine et la Sebkha. Je m'engage à continuer à illustrer et commenter l'actualité tunisienne et ce malgré le désintérêt croissant du public à l'égard de la politique. N'étant pas rémunéré par le nombre de visiteurs ni par les likes qui se font de plus en plus rares, mon activité ne sera donc jamais affectée par la désaffection du public. Je rappelle à cet effet, que le seul carburant qui fait tourner ce blog depuis 15 ans, demeure ma passion pour le dessin et pour l'écriture au service d'une idée : une Tunisie libre, prospère et heureuse. Je me satisfais pleinement des derniers lecteurs et lectrices fidèles au poste. Je leur rends hommage, et je leur souhaite du fond du cœur, une belle et heureuse année 2023. 

Retour à la case départ 

En effet, la désaffection que subit mon blog me rapproche des taux d'audience de l'ère Ben Ali, l'époque de la peur et de la censure (mon blog était censuré en Tunisie de 2008 à 2011). Aujourd'hui, je ne suis pas le seul à subir le désintérêt du public. Même si les causes de ce reflux sont différentes (il n'y a plus de censure, et les gens n'ont plus peur), les conséquences sont identiques et nous ramènent à la case départ à savoir : le coma politique. Zabaïed comme Zaba, en confisquant le débat public, provoque l'arrêt de toute activité cérébrale. Mais à la différence de Ben Ali, qui arrivait au moins à maintenir en vie un corps sous perfusion, Saïed est incapable d'assurer le minium vital. C'est pourquoi je ne suis pas le seul à vous prédire une année 2023 très explosive...

BONNE_ANNEE

Poursuites contre Ayachi Hammami

Les faits nous ramènent encore à l'ère Zaba. Ayachi Hammami qui est une figure de la lutte contre la dictature, est dans le viseur de l'actuel régime. Cet avocat et militant des Droits de l'Homme (qui a brièvement été ministre des Droits de l'Homme sous Kaïs Saïed de Février à Septembre 2020) est poursuivi par la ministre de la Justice Leila Jaffel (dite Javel), en vertu du décret-loi 54. Cela fait suite à une déclaration à la Radio, où celui-ci a critiqué l'acharnement de la ministre contre les 57 juges révoqués (voir ici). Rappelez-vous de cette fameuse liste des 57 magistrats sortie du chapeau (ou de la ventouse) de Zabaïed. Liste utilisée pour jeter en pâture des juges sans la moindre possibilité de recours (voir ici). Bref, Hammami se présentera devant la Justice et encourt jusqu'à 10 ans de prison pour avoir simplement exprimé une opinion*...        

AYACHI_HAMMAMI

Il va de soi que la Sebkha et Boukornine soutiennent Ayachi Hammami ! 

* Le décret-loi 54 est une invention de Zabaïed qui date de Septembre 2022 et qui constitue une menace évidente contre la liberté d'expression. Le texte stipule ceci :"Est puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de cinquante mille dinars quiconque utilise sciemment des systèmes et réseaux d’information et de communication en vue de produire, répandre, diffuser, ou envoyer, ou rédiger de fausses nouvelles, de fausses données, des rumeurs, des documents faux ou falsifiés ou faussement attribués à autrui dans le but de porter atteinte aux droits d'autrui ou porter préjudice à la sureté publique ou à la défense nationale ou de semer la terreur parmi la population. Est passible des mêmes peines encourues au premier alinéa toute personne qui procède à l’utilisation de systèmes d’information en vue de publier ou de diffuser des nouvelles ou des documents faux ou falsifiés ou des informations contenant des données à caractère personnel, ou attribution de données infondées visant à diffamer les autres, de porter atteinte à leur réputation, de leur nuire financièrement ou moralement, d'inciter à des agressions contre eux ou d'inciter au discours de haineLes peines prévues sont portées au double si la personne visée est un agent public ou assimilé."
(J'ai mis en gras l'alinéa qui justifie les 10 ans qu'encourt Ayachi, et le siècle que je risque de passer en prison si un juge chlékiste tombe sur mes dessins)

Ajouté le Dimanche 8 Janvier : 

sebkhadeuil

(Dessin publié sur Facebook le jour du drame, le 7 Janvier 2015)

8 ans déjà, et je demeure pro Charlie. "Je suis Charlie" et je le revendique. Tout en comprenant les arguments de ceux qui condamnent le terrorisme mais qui refusent d'arborer le slogan "Je suis Charlie", je le redis, je suis Charlie et je n'émets aucun mais.

J'adresse ce message surtout à certains de mes amis tunisiens, qui pensent que je dois être un vendu de l'occident, ou un idiot utile de la France -souvent les mêmes qui paradoxalement conchient l'islamisme et qui souhaitent l'extermination des barbus.

A ceux-là je leur donne le droit de me haïr mais d'accepter simplement que je puisse exister dans l'espace public en tant que dessinateur blasphémateur se riant (entre autres sujets) d'Allah, de la Kaaba et du prophète. Je leur demande juste de ne pas vouloir me tuer ni de me souhaiter la prison.

Je crois en votre liberté de me haïr, eh oui ! nul n'a décrété que l'on devait s'aimer pour faire société. La démocratie demeure simplement le cadre dans lequel on peut se haïr idéologiquement, sans s'entretuer. Car moi aussi je hais les bigots, les superstitieux, les chlékas, les mauves, les barbus mais à qui je ne souhaite ni la mort ni la prison.

Pour ce qui est de ma relation avec Charlie Hebdo, puisque certains pensent que je ferais partie de cette "secte" diabolique, je me dois juste de préciser quelques faits.

Je n'ai jamais travaillé pour ce journal et je n'ai jamais cherché à faire partie de ses caricaturistes. Eux non plus, n'ont jamais cherché à me contacter. Par contre j'ai connu Charb grâce à une rencontre organisée par Libération en 2012 dans le contexte des révolutions arabes et de l'intérêt qu'a eu la Presse française pour la Tunisie à cette époque.

Après cette rencontre publique, Charb voulant en savoir plus sur la Tunisie et sur ma condition de dessinateur "blasphémateur" anonyme, m'avait proposé une interview en tête à tête, pour un article qu'il a lui-même rédigé dans le numéro 1035 sorti en Avril 2012 dont voici le lien ici.

Je voudrai ici revenir sur cette soirée passée à répondre aux questions de Charb dans un café parisien, et décrire l'esprit général de notre discussion dont je garde un joli souvenir... un souvenir qui me rend aujourd'hui profondément triste quand je pense à l'horreur que cet homme a dû subir quelques minutes avant sa mort, quand les frères Kouachi ont débarqué dans la rédaction du journal dont Charb était rédacteur en chef, ce 7 Janvier 2015.

Nous avions déjà bien sympathisé lors du débat de Libération pour que l'échange soit amical. Mais avec les bières qui avaient défilé entre nous cette soirée-là, la glace a fini par péter entre nous deux. C'était un mercredi soir je crois, à "l'Atelier", un bistrot parisien sur le Boulevard Montparnasse.

Je ne me rappelle pas de tout, mais je sais qu'il était question de ses origines, du milieu modeste et extrême droite dans lequel il était né, de ses amis arabes, de sa passion pour les armes à feu, chose qui m'avait d'ailleurs bien surprise. Ce sont ses gardes qui l'auraient initié, m'expliquait-il. Charb était déjà sous protection policière à l'époque. Quand je l'avais rencontré ce soir-là, il se targuait d'avoir échappé à leur surveillance.

J'ai vu en lui un homme entier, droit dans ses bottes, empathique et très curieux. Il voulait tout savoir sur moi. Je lui ai raconté tout et n'importe quoi, et dans notre beuverie il arrivait à avoir suffisamment de lucidité pour noter sur son carnet les anecdotes que je lui rapportais. Bien sûr je n'ai pas hésité (comme tout "arabe" qui se respecte) à lui reprocher de s'attaquer plus aux musulmans qu'aux juifs, ce à quoi il m'avait répondu qu'il portait en lui le tabou de la collaboration mais qu'il soutenait la cause palestinienne et qu'il honnissait les sionistes et Philippe Val, son prédécesseur (Philippe Val ancien rédacteur en chef de Charlie, assumant ses accointances avec Israël et ayant viré le dessinateur Siné pour des propos jugés antisémites).

Mais ce que j'ai retenu de cet entretien qui a dû se terminer à une heure du matin, c'est un petit détail :
Ce que les gens ne savent pas, c'est qu'entre dessinateurs se discutent souvent les inspirations graphiques, le style, le trait et le choix des couleurs, un peu comme deux pâtissiers qui échangent sur leurs recettes sans tout dévoiler. Je voulais savoir pourquoi ce que Charb dessinait ses personnages en jaune. Il m'avait avoué qu'il s'inspirait d'un ancien dessinateur Tunisien : JOSSOT.

Il s'agit en réalité d'un des plus grands caricaturistes français de la fin du 19ième siècle, qui aurait passé la deuxième moitié de sa vie en Tunisie. Henri Gustave Jossot serait tombé amoureux du pays et se faisait appeler Abdel Krim. Il est enterré quelque part à Sidi Bou Saïd. Il a activement soutenu la cause indépendantiste par des textes et des dessins, tout en peignant des scènes urbaines et des paysages naturels. Je suis sûr qu'il a dû être sensible à la grâce de Boukornine.

Conclusion

Boukornine est la source de tout, de Jossot, de Charb et donc de Charlie Hebdo. Je suis donc 100 % Charlie car je suis Boukornine...et il ne peut pas en être autrement !

لا بوكرنين الاّ بوكرنين ولا سبخة الاّ السّبخة
...et encore Bonne année !

Commentaires
F
Je relève quand même un désaccord avec Z quand il évoque son entretien avec le regretté Charb: le licenciement de Siné (amplement mérité pour son antisémitisme compulsif (il a été condamné pour ce motif en 1982)) a été décidé à l'unanimité par la rédaction de Charlie et l'opposition de Charb ( ou d'autres rédacteurs) aurait pu l' empêcher; Charb aurait pu protester publiquement contre ce licenciement ou mieux encore quitter Charlie pour rejoindre le journal fondé par Siné , or il n'a fait aucune de ces deux choses ; le prétexte de "l'antisionisme" ne peut servir à masquer l'antisémitisme ou pire encore le justifier, comme l'a fait Siné (et d'autres)
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M
Bonne année et tiens bon la barre et le crayon. Wa tahya Boukornine!<br /> <br /> Mohamed (radio libertaire)
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F
Bonne année, bonne santé, bon courage, et merci d'avoir rappelé votre soutien à Charlie dont je suis un fidèle lecteur
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N
Continuez avec courage votre œuvre de salubrité publique ! Je vous suis depuis le début. J’ai vécu à Monastir 3 mois en 2012. Merci pour votre intelligence et votre humour !
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B
Très cher Z je vous remercie pour les vœux et je vous souhaite à mon tour, une éruption créative boukorniste ininterrompue de caricatures à la barbe et au nez du fou locataire de Carthage et de tous ses suppôts.
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DEBATunisie
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