Gaza sous le tapis du "Red Sea Film Festival"
S'ouvre au Ritz de Djeddah la troisième édition du Red Sea Festival. Le gratin du cinéma mondial s'est donné rendez-vous en Arabie Saoudite du 30 Novembre au 9 Décembre afin de célébrer le 7ième art...
Ce festival fabriqué de toute pièce à coup de pétrodollars, s'inscrit dans la politique de modernisation menée par le prince MBS visant à redonner une image plus sexy au royaume wahhabite. Il est vrai que cet ambitieux personnage a réussi par ses réformes et ses mégaprojets (tel que Neom) à nous faire oublier le massacre des yéménites ou le découpage à la scie de Khashoggi. Et si venait l'idée à un esprit mal avisé de rappeler ces « quelques » mauvais souvenirs, alors bye bye les fonds. D'après un témoignage recueilli sur Facebook (voir ici) tous les professionnels du cinéma bénéficiaires de fonds saoudiens seraient contraints contractuellement de bien fermer leurs gueules*.
Gaza sur le tapis rouge
Comme souvent dans nos régimes autoritaires, le cinéma c'est surtout maquiller le réel et mettre sous le tapis (rouge) tout ce qui dénote. Mais en ce moment particulier de l'histoire, où nous assistons depuis deux mois au génocide de Gaza perpétré par l'Etat israélien, le tapis rouge absorbe très mal le sang qui coule. N'oublions pas chers amis, que le régime saoudien était sur le point de normaliser avec Israël, et malgré les milliers de morts, il continue à ménager la chèvre et le chou. Car les caprices du prince et ses méga-joujoux dépendent toujours de l'oncle Sam et de son allié israélien. On imagine combien MBS doit maudire la cause palestinienne et son retour au cœur de la géopolitique mondiale au moment où commençait sa campagne promotionnelle de Neom et de son blingbling hôtel Siranna (voir ici).
Les participants au festival auraient été sommés de ne pas afficher leur soutien à la Palestine. La même consigne a été donnée au festival de Cinéma de Marrakech (voir ici). Le Maroc étant aussi une monarchie qui normalise avec l'Etat sioniste.
La question qui revient sur le tapis concerne ces artistes qui participent à ces campagnes de blanchiment. Mais que foutent donc ces artistes ? Comme le rappelle amèrement le cinéaste tunisien Ismaël réagissant à l'extrait du contrat cité ci-dessus:
"[...]les scénaristes, réalisateur.rices, acteur.rices, etc., qui choisissent de fermer leur gueule, ils et elles le font en leurs âmes et consciences, pas parce qu'ils ou elles sont obligé.es contractuellement de le faire : ce qui à mon sens est encore plus grave. Ne croyons donc pas que tous les "cinéastes arabes" se taisent parce qu'ils ont signé un contrat. Ils se taisent parce qu'ils et elles sont tout simplement lâches, courtisans et collabos (avec ou sans contrat)"
à méditer...
* Il s'agit d'un paragraphe extrait des clauses contractuelles signées par les "rights holders" qui touchent les fonds du Red Sea Festival. Cet extrait a été publié sur FB par Josephine Hilalia le 05 Décembre 2023.