Comment dessiner un prophète ?
Désolé pour l'article qui va suivre et les caricatures qui risquent d'en heurter plus d'un, mais comprenez-moi, je ne peux apporter de constructif à la chose publique que mon impertinence picturale. De tous les sujets que j'aurais pu traiter (et il n'en manque pas), je retiens la prière collective de quelques allahistes sur l'Avenue vendredi dernier (voir ici). Ils étaient quelques dizaines à exposer leurs culs au ciel en signe de protestation contre le rapport de la Commission des Libertés individuelles et des égalités (COLIBE). Si cette commission présidée par Bochra Bel Haj Hmida, hérisse le poil de nos barbus et d'une large frange de la société, c'est parce qu'elle remet la question des libertés individuelles au coeur du débat public. Ce rapport n'est même pas arrivé au parlement, que des marches et des manifestations parsèment le pays depuis quelques semaines (voir ici et ici).
Alors que le pays traverse la plus dangereuse de ses crises politiques et sociales, comment expliquer que de tous les sujets, ce soit ce texte qui mobilise la foule?
La main de Zaballah, d'Erdogan, ou du Qatar ?
Si évidement il y a toujours de la récupération politique quand il s'agit de religion, n'oublions pas que la main cachée derrière ces cirques allahistes, demeure la main d'Allah en personne. Ou plutôt son prophète. Ou pour être plus précis, la main du "général" Oqba Ibnou Nafi qui en 670 occupa l'Afrique du nord et y parsema une idéologie politique révolutionnaire à l'époque, l'Allahisme.
La Révolution plutôt que la Réforme
Depuis le 14 Janvier 2011, date de la chute de la dictature (désormais, je n'emploierai plus le mot Révolution), il n'y a eu que des projets de réforme. Tous, depuis la Constitution jusqu'au COLIBE se sont heurtés au dogme religieux. La lâcheté des politiciens, telle que l'a manifestée récemment le Président Essebsi, n'assumant pas la réforme proposée par la Commission des Libertés individuelles et des égalités, commission qu'il aurait lui même créé, est une énième illustration de la lâcheté politique de tous ceux qui ont défilé dans l'arène du pouvoir depuis la fuite de ZABA, un autre lâche notoire.
Ma participation
Avant de parler de ma modeste personne, je rappelle que notre société pullule d'individus, filles et garçons, très actifs dans cette lutte. Certains sont discrets mais efficaces à leur échelle. Mais, j'aimerai rendre hommage à celui qui est considéré à tort comme un fou: Jalel Brick; l'infatiguable attaquant de l'Islam. J'emploie à dessein le terme footballistique d'"attaquant", car dans le contexte de la guerre que livre l'allahisme sur les libertés, on ne peut pas se contenter de jouer en défense. C'est la stratégie de l'attaque qu'il s'agit d'adopter. Jalel Brick est censuré, vilipendé, menacé de mort mais il résiste et marque des buts. Rendez-vous sur sa chaîne Youtube (ici) avant qu'elle ne soit à nouveau coupée.Dans cette révolution culturelle, pour jouer collectif, il faudra relayer et mettre en valeur toutes ces initiatives personnelles.
Et donc, pour revenir à ma "modeste" contribution, je continuerai dans l'anonymat, à blasphémer par le dessin et par le texte dans l'irrespect et l'irrévérence la plus assumée. A ce titre je vous livre ci-dessous un manuel de résistance par le dessin blasphématoire, qui rendra fous les allahistes. Comme la coupe du monde, je rééedite tous les 4 ans un nouveau manuel. En 2010 c'était "Zaba pour les nuls" (voir ici), en 2014, "Tartour pour tous" (voir ici) et cette année je présente "la fête au prophète":
Il s'agit de la même méthode de dessin dont je vous livre à chaque fois le secret pour que merde, je ne sois plus le seul dans ce bled à toucher au sacré.
Exercice
Munissez vous de feuilles A4, d'une règle, d'un crayon, d'une gomme, d'un compas, d'un stylo ou feutre fin. Sur votre page orientée en mode portrait, dessinez à l'aide de votre règle un tableau de 3 colonnes sur 4 lignes composé de carrés de 6 cm par 6. Tirez des diagonales pour situer le centre géométrique de chacun de vos carrés. Placez ensuite la pointe de votre compas sur le centre du premier carré, puis tracez un cercle de 1.5cm de rayon. Suivez les instructions sur chacune des figures suivantes.
Attention! avant d'entamer la sixième case, vérifiez que votre fenêtre et votre porte soient bien fermées. Éteignez votre téléphone portable, puis foncez!
Si vous avez terminer votre prophète, ouvrez discrètement la fenêtre et vérifiez que le soleil ou la lune sont toujours en place. Ensuite, connectez-vous sur internet ou CNN pour savoir si aucune météorite n'a percuté la planète. Après vous être bien assurés que l'apocalypse n'a pas eu lieu, vous pouvez alors enchaîner la série suivante:
Lâchez-vous !
L'avantage avec un prophète c'est la richesse de ses titres, noms et autres dénominations. Entre l'arabe et le français vous avez toute latitude pour multiplier les jeux de mots. Exemple:
Ou encore...
Ou encore...
Par contre, et pour que vous soyez bien prévenus: en plus des barbus, ce seront vos proches, vos cousins et les amis que vous pensiez tolérants qui vont vous traiter de tous les noms d'oiseau. La chatte de votre mère surtout s'en prendra plein la gueule. Restez zen, et dites-leur avec le sourire, que le jour où baissera d'un ton l'appel à la prière à 5 heures du matin, le jour où vous continueriez à savourer votre bière sur l'avenue en plein mois de Ramadan, le jour où votre mère (la pute) sera reconnue l'égale de votre père devant la loi, bref le jour où ils dégagent toutes leurs allaheries de la Constitution pour ne plus donner d'excuse aux défilés de culs de barbus sur l'avenue, Alors oui! peut-être enfin ce jour, nous cesserons aussi d'évoquer Allah et de caricaturer son prophète pour parler enfin des vraies questions qui concernent notre société.
Conclusion
Pour finir sur une note optimiste, je relaie ici une initiative héroïque, qui montre encore une fois que face à l'échec du troupeau, notre salut collectif tient aux individus. Le coup de coeur de la Sebkha est attribué donc à Mohamed Oussama Houij, qui parcourt à pied depuis des semaines les côtes tunisienne de Mahdia à Slimen. Sur son chemin il nettoie la crasse et la saleté d'une société qui plutôt que de sacraliser son environnement naturel, préfère sacraliser l'abstraction allahiste (pardon, je n'ai pas pu m'en empêcher). Suivez-le sur sa page Facebook "300 kilomètres", qui outre l'aspect écologique, se présente comme un très beau carnet de voyage. Ce dernier post devait lui être entièrement consacré avec une caricature dédiée. Mais il m'était plus facile de dessiner un prophète périmé que d'illustrer la nouvelle prophétie de ce jeune homme.